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Le travail psychanalytique avec les névroses de comportement : un défi théorique et technique

Katryn Driffield

Introduction
Il est courant de constater que la clinique ordinaire contemporaine d’un psychanalyste déborde largement les strictes indications que Freud a proposé lors de l’écriture de ses premiers écrits techniques dans les années 1910-14. Les patients qui consultent aujourd’hui n’entrent en effet pas tous dans le cadre des psychonévroses de transfert. Freud, souhaitant donner à la cure une efficacité maximale, a restreint le champ de son application. Aussi, selon ses conseils, les névroses actuelles et les névroses narcissiques ne constituaient-elles pas une indication de cure psychanalytique. Raison de plus, aujourd’hui, pour les troubles ou le recours à l’acte (tels les addictions ou les troubles de conduites) ont une prépondérance dans la constitution de l’expression psychopathologique. J’ai préféré utiliser, pour ces situations cliniques, le terme récent issu de la réflexion de l’Ecole psychosomatique de Paris (Smadja et Zweig, 1996) de névroses de comportement au lieu des termes tels les troubles des conduites, qui renvoient plus à une logique du DSMIV. Il s’agit des situations cliniques où le chemin de la symbolisation, de la représentation, est momentanément ou plus chroniquement entravée de sorte que les excitations ne trouvent d’autre issue que le recours à l’acte ou la voie de la somatisation.
Freud s’était néanmoins confronté au problème du traitement des patients non névrotiques par exemple lors de son aventure thérapeutique avec l’homme aux loups. Il ne s’agit pas ici de mettre en question les résultats de cette cure. Au contraire si nous employons le terme d’aventure, c’est parce que Freud, une fois établis les règles de la conduite de la cure et ses principes directeurs (le transfert, la résistance, l’interprétation), pouvait se permettre de pratiquer ce que Winnicott (1948) aurait appelé des cures de recherche. En effet, le cas de l’homme aux rats décrit les règles de la cure dite classique. Néanmoins Freud n’a pas hésité une confrontation avec d’autres pathologies qui ont nécessité une réflexion sur la technique. Ce que nous pouvons ici considérer comme une pratique déjà élargie suppose que la cure psychanalytique est un instrument puissant qui peut servir le traitement des pathologies diverses. Cependant, une recherche demeure encore nécessaire pour approfondir le champ de la compréhension psychique et ainsi inscrire la psychanalyse comme un outil de pensée vivant qui ne peut que se développer avec l’inclusion des notions qui naissent par ailleurs lors du traitement des nouvelles pathologies.
A la suite des aventures thérapeutiques de Freud, les psychanalystes des années 1920 et 1930 n’ont pas hésité à se confronter aux pathologies les plus diverses et aux champs sociaux présentant une proximité avec le développement mental et ses déviations, se tournant vers l’exploration du champ de l’éducation ou de la criminologie. Ainsi les travaux d’Abraham, de Ferenczi, de Klein, de Rado, de Reich, pour ne citer que quelques noms, traitent-ils du champ clinique non psychonévrotique.
La présentation d’aujourd’hui souhaite s’inscrire dans cette lignée. Mon idée est relativement simple : partir de la clinique rencontrée, considérer ses difficultés ou limites et tenter, avec la pensée psychanalytique, de trouver les notions nécessaires pour penser, puis éventuellement traiter…tout en restant encrée sur le sol de l’éthique psychanalytique. C’est de cette façon là que je souhaite envisager les dits aménagements du cadre, que cela soit dans la façon d’envisager le cadre lui-même (divan/face à face ; fréquence), d’appréhender le type de transfert et son maniement, la manière de traiter la résistance ou la manière d’envisager l’acte psychanalytique de l’interprétation.
La rencontre avec les patients souffrant des névroses de comportement et relevant d’une rencontre avec un analyste est, me semble-t-il, un défi de notre pensée et de notre clinique. Je vais donc partir de ma clinique et vous proposer ensuite quelques réflexions.
Je vais me concentrer sur un phénomène d’ampleur croissante, la clinique de patients qui s’adresse au psychanalyste sous le couvert da la souffrance engendrée par certains troubles alimentaires. Il m’est paru qu’une certaine pauvreté théorique faisait le lit d’une multiplication de « réponses » la plupart du temps dans le registre comportemental, les unes plus décevantes que les autres. Par cette exploration j’essaye de définir un axe de pensée, qui a induit la nécessité de forger une notion opérante spécifique permettant éventuellement de faire évoluer la pratique. Le cas de Christine m’a paru suffisamment éloquent pour illustrer cette démarche.
Première rencontre et problématique initiale.
Christine passe le seuil de mon cabinet cherchant ostensiblement à plaire, quoi qu’assez jolie femme. Son regard balaye circulairement les lieux avant de me scruter non sans une certaine méfiance. Le premier entretien pose son parcours de thérapies multiples qui l’ont toujours laissée sur sa faim après 12 ans d’efforts. Elle décrit une première cure avec une psychanalyste trop muette pour lui permettre quelconque élaboration, puis une tentative de thérapie avec un comportementaliste trop directif et presque vulgaire dans ses propos pour l’amener à comprendre et modifier ses comportements. Bref, je comprends dans le désespoir de son énoncé que cette femme espère encore quelque chose d’une rencontre thérapeutique sans savoir quoi et tout en redoutant de se tromper une fois de plus. Alors je l’écoute avec une attention soutenue, avec un soin qui me laisse une impression d’un effort quasi physique. De toutes les façons son débit verbal ne me laisse guère l’occasion d’en placer une !
Christine est, dit-elle, ‘boulimique’ depuis la naissance de sa seconde fille il y a 20 ans. Elle impute le fait qu’elle a alors appris à manger tout ce qu’elle voulait et en grande quantité à la grossesse…pour se faire vomir ensuite, pratique qu’elle a conservé depuis. C’est, pointe-t-elle d’emblée, la rétention qui lui apporte la jouissance. Chaque angoisse se traduit chez elle par le recours alimentaire aussitôt suivi d’une culpabilité exacerbée. Elle évoque aussitôt la problématique maternelle : une mère baptisée ‘gourou’ à laquelle elle a voué un véritable culte et à qu’il faut se soumettre sous peine d’être exclue du clan. Une mère décrite comme radine, sans cesse préoccupée par son poids et ses mouvements intestinaux. Sa constipation chronique est connue de toute la famille, préoccupation qu’elle a transmise en particulier à Christine, aînée de 3 filles. Les régimes ont toujours fait partie de la vie de la mère qui n’était pourtant pas grosse à proprement parler… Christine dit en avoir nourri une idée d’injustice (on ne peut manger sans prendre de poids) puis a développé sa notion d’interdits alimentaires, une sorte de croyance quasi magique. « Je me remplis comme s’il existait un vide » dit-elle. Je prends note mentalement qu’en disant cela, elle ne spécifie pas une délimitation corporelle et que c’est probablement une manière de montrer sa difficulté de situer une limite entre intérieur et extérieur.
Le père, Directeur d’école, apparaît comme une figure marquante qui par moment avait la préférence de Christine. Homme cultivé, comparativement à la mère, il a fait d’elle ‘une bête à concours’.
Cependant elle continue la description du couple parental avec une difficulté pour les différencier. Ses parents l’ont gavée, poursuit-elle, par des leitmotivs du type « on sait ce qui est bon pour vous, vous n’avez pas à…». Puis elle m’explique que la recette du bonheur selon leur loi était : avoir un mari, réussir à l’école. La mère a du renoncer à sa vocation de devenir institutrice, mais ses trois filles le sont devenues !
Je note qu’à ce moment elle cherche mon regard. Je fais un bruit interrogatif et elle me questionne de manière anxieuse si je pense qu’elle est sous l’influence de sa mère. Je lui dis que nous pourrons examiner cette hypothèse qui correspond à un type de relation, essayant par là de lui montrer que la réflexion en commun lui permet d’interroger son histoire sans s’enfermer dans une factualité.
Christine reste anxieuse et évoque en réponse des lieux d’angoisse plus actuels. Elle se plaint d’environnements pathogènes sur le plan professionnel et familial. Elle travaille pour l’Education Nationale et n’arrive pas à s’intégrer dans l’équipe. Elle s’entend mal avec son mari, et a une relation difficile avec leurs deux filles. Toutes ces difficultés renforcent le mécanisme de déclenchement de crises de boulimie suivies de vomissements.
Faisant en quelque sorte le bilan de sa vie actuelle, Christine évoque une peur d’abandon et un sentiment de rejet. Elle se vit comme une handicapée de l’amour, ne connaissant pas le plaisir sexuel et souffrant d’avoir à simuler depuis toujours. Elle se satisfait, dit-elle, de sentir le désir de son partenaire. Déçue du mariage, elle multiplie pourtant les amants, trouvés sur Internet. Elle s’étonne de ne pouvoir construire un vrai lien. Inscrite en Fac de Sciences de l’Education, elle s’apprête à soutenir une thèse, qu’elle ressent comme « un cri, de l’ordre d’appel à la reconnaissance ».
Elle évoque encore de multiples maux physiques qu’elle sent comme autant de somatisations - des mycoses vaginales fréquentes, une sensation d’être prise à la gorge par une main, le ventre qui gonfle, la constipation - et dit rejeter un corps qui n’est pas le sien. Elle nourrit une véritable aversion pour ses seins qu’elle lie à l’achat de son premier soutien-gorge par sa mère quand elle avait 12 ans, ce qu’elle a vécu comme une atteinte à sa pudeur… Pourtant, elle me jettera à la face dès ce premier entretien une phrase que je sens comme très dense et chargée, mais qui à ce moment particulier m’avait mise dans une difficulté associative : « Je pourrais tout aussi bien être une prostituée. Ca ne me gêne pas d’être dans l’exhibition et d’emmerder tout le monde », façon pour elle de dire qu’elle existe.
Lorsqu’elle me demande quelle image elle me renvoie d’elle et si je pourrais l’aider, j’observe en mon for intérieur qu’elle cherche à me situer en position d’évaluateur. En effet, progressivement je sentais déjà en moi une sorte de pression qui réduisait ma marge de liberté de penser, ma faculté d’associer à partir du récit de la patiente. Marquant une courte pause, comme pour respirer et lui montrer en même temps sa difficulté de prendre son souffle, je lui fais remarquer que je sentais qu’à son insu, elle me demandait là de rejouer le rôle de ses parents alors même qu’elle en souffre. Puis je relève et fais le lien avec l’expression de son sentiment de ‘gavage’ par ses mêmes parents qui la conduit à se sentir vide malgré tous ses efforts pour se remplir : des études à la multiplication des conquêtes sexuelles; des crises boulimiques à la succession des thérapies, qui ne semblent l’avoir amenée qu’à un sentiment d’un plus grand vide interne. Pointant la nécessité pour elle d’aller à la rencontre de ce monde interne qu’elle méconnaît, je lui propose, après quelques séances en face à face, d’entamer une cure psychanalytique. J’ai en effet pensé que Christine avait besoin d’un espace interne qui devait échapper au contrôle tyrannique de son regard. Par ailleurs, je notais qu’elle avait besoin d’un certain type d’interventions qui la mettraient davantage en contact avec ses éprouvés corporels ; interventions qui visent la prise de conscience de dysfonctionnements relationnels et qui traduisent ce que nous avons observé dans le récit de Christine comme manque de différenciation des limites. Ces interventions précèdent la création d’un espace où une interprétation dans un sens plus classique, pourrait opérer. Un silence trop prolongé, comme lors de sa première cure, pourrait provoquer des angoisses probablement liées à une problématique archaïque et difficilement supportables.

Les grandes lignes de l’histoire de Christine
L’histoire de Christine n’a pas été facile à reconstruire durant les premières années de la cure. La reconstruction s’est faite autour dune lente élaboration de moments où des difficultés dans le hinc et nunc du mouvement transférentiel pouvaient être liées à des hypothèses concernant des écueils dans le développement de la névrose infantile. Nous avons découvert au fur et à mesure des hypothèses interprétatives que je proposais qu’il n’y avait pas eu de traumatisme spécifique de l’ordre d’un événement précis mais plutôt une ambiance relationnelle trouble qui pouvait correspondre au malaise qui se répétait dans le transfert par des attitudes ou des comportements : tel mouvement d’humeur, tel refus violent d’une intervention, des propos orduriers ou scatologiques. Cette reconstruction lente et pénible marque avant tout les affres d’une relation précoce délétère pour Christine, traduisant l’enfermement psychique massif avec lequel je dus faire pendant longtemps avant de me sentir moi-même respirer, un peu plus à l’aise. Je retiens des nombreuses séances et de ses multiples récits, la récurrence de remémorations et d’éléments déterminants pour comprendre la formation de ses troubles dans un vécu traumatique précoce. Sa mère dépressive la tenait sous sa contrainte et l’utilisait à des fins de survie personnelle. Christine était en effet sa ‘petite poupée’ qu’elle coiffait en tirant fort sur ses cheveux ; qu’elle mit au pot précocement, dans la violence d’une exigence maternelle énigmatique et non justifiée du côté de l’enfant, attendant la production de selles. Ce vécu traumatique précoce est composé de microtraumatismes en série résultant en un éprouvé d’être la « chose de sa mère ». Plus tard c’est sa mère qui orienta sa carrière, retint ses premiers salaires puis décida plus ou moins du choix de son mari. Des remémorations itératives nous ont mises sur des traces de la relation orale. En effet le mot « gaver, être gavée » m’a amené de proposer à Christine l’idée que la relation orale s’est déroulée d’une façon qui correspondait à une relation mère/poupée (objet) et non mère/enfant (sujet), un gavage plus qu’un nourrissage, une incorporation forcée. Cette première relation est devenue une matrice formant par la suite son univers relationnel. Ici je me permets de proposer d’envisager la qualité de cette première relation orale avec la notion de gavage psychique, une incorporation forcée du vide psychique de la mère lors des soins et des gestes ordinaires de nourrissage. J’y reviendrai.
A côté de cela on note un père silencieux, complice de la violence de la mère, qui a également chosifié Christine à l’image de son exigence personnelle : il en a fait un singe savant parfaitement gavant. Un père séducteur malgré lui qui frottait les fesses de sa fille jusqu’à l’âge de 12 ans, laissant celle-ci dans le souvenir excitant d’une complicité malgré tout malsaine… Un père pour qui elle accepte ‘d’avaler et enfiler’ des maths…
Complices dans la violence et complices dans le déni, les deux parents se sentant dévoués à la bonne éducation sans être conscients du « dressage » de leur fille.
Il nous paraît important de souligner ici l’aspect inconscient de la relation pour ne pas tomber dans la caricature des parents sciemment maltraitants, raison de plus d’une autre caricature, qui a fait beaucoup de tort à la psychanalyse, les « mauvais parents ». La maltraitance peut exister mais elle n’est ni nécessaire ni suffisante pour expliquer la naissance des troubles alimentaires.
Ce à quoi nous prêtons attention est la formation des phantasmes inconscients à partir des relations précoces à effet traumatique. Les imagos parentales ainsi constituées rendent compte du vécu d’une mère gavante, intrusive, tyrannique, et d’un père (dont Christine évoquera à maintes reprises qu’il n’avait qu’une couille…ce qu’elle mettra en doute plus tard) soumis à la tyrannie de sa femme mais intellectuellement séducteur de sa fille. Le message qu’elle a retenu d’eux est : « quoi que tu fasses, tu te mettras toujours dans la merde ».
L’impression générale que me laisse Christine est celle d’un étouffement massif dans un registre de dépendance, une tonalité d’affects très dépressifs ; des identifications d’angoisse non qualifiées, des défenses archaïques de type limite, inscrivant Christine pour le moins dans ce qu’Erickson (1968) appelle ‘une identité diffuse’, jusqu’au faux-self (Winnicott, 1960), une organisation état-limite.
J’ai été très vite frappée par un mode de pensée concret, à la fois dans le bourrage et dans une certaine forme de vacuité, de fuite idéative, me donnant un sentiment de non appartenance à soi-même, d’étouffement, de blocage de la pensée et par un mode singulier de symbolisation pris dans la nécessité d’un contrôle perceptif lequel apparaît néanmoins le plus souvent défaillant car dépendant d’un émotionnel et d’un affectif surdéterminés. En effet, Christine rend régulièrement compte d’agirs compulsifs de répétition ou au contraire marqués par la nécessité d’un contre-investissement ou d’un surinvestissement. Des pans de son discours laissaient entendre qu’il existait des « enclaves » de pensée concrète, peu accessibles à une associativité, comme si certains mots étaient réduits à la seule représentation de chose, ce que Hanna Segal (1957) a décrit comme équation symbolique.
Le registre passif prévaut largement sur la capacité à se réaliser, Christine exprimant une difficulté à se sentir exister par et pour elle-même. Elle se retrouve en effet confinée, réduite dans sa liberté, presque ‘tenue à’ : tenue a manger, tenue à obéir, tenue à être au service des autres, tenue à faire exister quelqu’un. En parallèle, elle exprime clairement un vécu d’enfermement psychique, comme si elle se sentait ‘prise dans un piège’, envahie, étouffée, étranglée, engluée… avec le sentiment de ne pouvoir s’en extraire au risque de se sentir annihilée.
Son vécu corporel, dramatique à l’origine, reste suspendu dans le flou des limites: corps indifférencié dont elle dira à plusieurs reprises qu’il est celui de sa mère, inscrit dans un vécu de vide. Un corps à la fois pesant, gênant, sans contenant ni contenu stable. Ces éprouvés corporels semblent l’inscrire plutôt comme une surface de projection (lieu de toutes ses somatisations) et un lieu d’incorporation, devenu avec le remplissage boulimique, voire grâce à lui, un équivalent de sac incapable de la protéger de l’extérieur. L’image non unifiée de ce corps devenait une sorte de matrice poreuse où Christine tente en vain de trouver une sorte de refuge interne, pour revenir fréquemment à l’idée très régressive que seul un retour à l’état de fusion originaire pourrait y faire. D’où une très grande difficulté à faire avec comme faire sans sa mère. Christine évoque lors d’une séance « une ‘détestation’ de ce qu’elle est physiquement : « une merde physique », révélant du même coup une analité que l’on retrouve fréquemment dans ses rêves (rêves de WC, de pénétration anale) voire dans la réalité : dans le plaisir exprimé de la rétention, dans l’évocation de fréquentes hémorroïdes, dans son rapport à l’argent, etc.
L’absence d’espace transitionnel et d’enveloppe psychique conduisent Christine à une forme addictive et adhésive de relation à autrui. Les troubles de la symbolisation, ses troubles affectifs et émotionnels particuliers; ses types d’angoisse d’engloutissement, d’intrusion (en particulier anales), d’envahissement, de mort par implosion reflètent l’expression d’un moi très vacillant, d’une problématique narcissique marquée par l’instabilité et l’idéalisation. En témoignent les scènes multiples d’hyper-séduction auprès d’hommes cadres supérieurs supposés ‘brillants’ et séduisants à ses yeux.
Le registre de la dépendance archaïque dans lequel s’inscrit Christine auprès d’un homme dont elle attend qu’il divorce pour elle depuis 7 ans sans même savoir si elle l’aime mais sans pouvoir imaginer vivre sans lui, rend compte des expériences de fusion primaire et témoigne d’une indistinction sujet-objet qui brouille les limites du moi, fonctionnant en déni-clivage et barrant l’accès à une pensée suffisamment élaborative. Christine nous renvoie dans quelque chose de l’ordre de la tête pleine et du corps vide, dans un clivage psychè/soma majeur.
Tous ces éléments m’ont donc amenée à faire le lien entre son dysfonctionnement par rapport à l’oralité sur le versant d’une boulimie propre à combattre le vide et la notion de gavage psychique que je propose d’introduire comme expression d’un mode organisateur fantasmatique particulier selon l’expression de Green (2000). Ces idées développent l’approche clinique que Winnicott introduisait dès 1936 en étudiant les troubles de l’appétit des jeunes enfants au moyen du jeu de la spatule.
Christine semble comme à l’affût permanent d’un sentiment de continuité d’être, luttant contre des affects qui la poussent vers sa propre destructivité. Je retiens enfin ses allusions constantes au sentiment de gavage, corollaires d’un vécu d’abandon et de vide ne permettant donc ni l’accès au signal de faim (vécu de manque non éprouvé) ni à celui de satiété (correspondant au vécu de plénitude).
J’évoquerai enfin le registre de l’identité sexuelle qu’elle renvoie, registre passif et ambivalent si l’on s’en réfère aux éléments déjà énoncés marquant l’incertitude, la soumission, la simulation.

Les effets de levier du concept de gavage psychique dans la cure.
Ses recours systématiques à la rationalisation et à l’intellectualisation lui donnaient l’illusion d’être, d’exister à travers des prises de paroles savantes, sans comprendre en quoi cela pouvait être précisément ce pour quoi elle pouvait se faire rejeter. L’insuffisance des assises narcissiques l’obligeait en quelque sorte à sur-jouer l’intellectuelle (comme elle sur-joue d’ailleurs la poupée sexuelle) supposée la positionner comme sujet digne d’intérêt là où elle manquait à voir l’effet de gavage induit, une sensation de vacuité in fine, comme je pouvais moi-même le ressentir au fil des séances. Je me souviens des interminables monologues des premiers temps qui ne laissaient aucune place à la suspension du temps nécessaire à la maturation, à la respiration nécessaire au déploiement psychique. Des séances, je ressortais souvent épuisée, l’estomac noué avec parfois des nausées et des maux de tête.
Christine était visiblement prise dans le jeu d’une séduction traduisant tout autant une quête de sens pour elle-même, du sentiment de sa valeur hors champ des études, qu’un besoin de comprendre et surtout de ressentir le rapport à l’autre, celui du lien hors champ du sexuel. Ses mouvements étaient régis par une nécessité de contrôle et d’emprise qui, pris en défaut, la renvoyaient à un vide abyssal. Aucun homme, potentiellement et même s’il ne l’intéressait pas plus que cela, ne devait lui échapper. Absenter une possible intervention orale lors d’un débat lui semblait chose impossible…tant la réalité même de son existence propre hors démonstration semblait lui faire défaut.
Je remarquai que dans le même mouvement il lui était difficile de ne pas obtenir de moi des explications ou des conseils quand elle les sollicitait. Je misais ainsi sur la restauration d’une ‘alimentation’ nourricière et toujours bienveillante pour compenser progressivement l’effet de gavage psychique et contribuer à la mise en place d’une voie d’accès à son inconscient par la découverte de son psychisme ; puis à son corps dans l’idée de faire émerger aussi son identité de femme. Autrement dit, je combattais les violents mouvements projectifs par lesquels Christine me plaçait régulièrement en mère tyrannique et persécutrice (son imago maternelle de mère gaveuse) par une attitude résolument stable afin qu’elle puisse éprouver, enfin, la qualité d’une mère, mais aussi d’une femme ‘ni gourou ni pute’ (Christine évoquera bien plus tard comment le mariage de sa mère est à ses yeux une forme de prostitution) mais au contraire une femme capable de recevoir des angoisses et de les lui traduire.
Ce très long travail faisant, dont je suis obligée de passer les détails, Christine se mit à intérioriser plus tranquillement, à assimiler, à transformer le matériel apporté et ‘détoxifié’ lors des séances, jusqu’à reconnaître petit à petit l’existence d’un monde interne lui appartenant. La boulimie, en sa forme chronique a fini par céder. Elle se mit aussi à accepter l’idée que je puisse être suffisamment bonne et désintéressée pour lui faire admettre le caractère possible d’un lien, construit certes dans une certaine violence mais qui s’est trouvée élaborée en une possibilité d’entrevoir la différence non plus comme une menace comme un enrichissement possible et non nuisible pour elle. Tant sa construction que la possibilité de séparation devenaient possibles.
De fait parvient-elle, depuis quelques mois seulement, à faire la différence entre la réalité externe et sa réalité intérieure. Ce n’est que depuis peu que Christine rend compte d’une capacité nouvellement acquise d’intégration de cette subjectivité en réveil à faire à l’intérieur d’elle-même, réalisant du même coup les nécessaires ajustements à faire que la nécessité d’ajustement aux autres et à la réalité. Elle réalise du même coup, mais autrement désormais, l’immensité d’une dépendance qui la maintient malgré elle encore dans une certaine aliénation et barrant l’accès à son propre corps. Actuellement, son identité de femme et ses questionnements tournent autour de préoccupations corporelles. En tant que femme, qu’elle juge intelligente et jolie, je deviens une nouvelle figure identificatoire dont elle prend conscience mais qu’elle reconnaît comme utile et bonne pour elle. La violence des 4 premières années a enfin cédé à un climat de confiance, confiance au sein de laquelle, mieux armée sans doute, elle accepte de faire face à ses angoisses les plus archaïques, celles entre autres tournant autour de la séparation. Christine dit ressentir désormais l’inutilité d’attendre l’amour d’une mère elle-même vide et souffrante et dont elle a été la surface de projection : « Je ne veux plus régler de compte avec ma mère…j’ai donc résolu ici mon équation à plusieurs inconnues » me disait-elle en avril dernier « … même si je me sens encore accrochée à vous comme la moule à son rocher ».
Cinq années d’analyse plus tard tel est le regard que nous pouvons porter sur Christine et la découverte de son monde interne, un inconscient abyssal et inquiétant dont elle ignorait en effet presque tout, faute même d’en connaître jusqu’à l’existence.

Le gavage psychique de Christine : spécificités.
Ce récit de vie sous-tendu par un discours particulier, mettant en évidence divers contours de sa réalité psychique m’a amené à l’idée que la notion de gavage psychique trouvait son utilité. Un précédent travail (Malvaës-Driffield, 2010) a permis d’envisager une approche théorique nouvelle qui trouve ses fondements sur les avancées de Hilde Bruch (1964, 1975). Le fait de sortir sa définition, somme toute comportementale, du gavage pour l’élargir à un geste et à une notion au contenu psychique permet, à mon sens, au thérapeute de sortir de ses impasses. La notion du gavage psychique illustre un noyau fantasmatique existant derrière certains comportements conduisant aux troubles des conduites alimentaires. Ceux-ci sont à considérer à la fois comme une pathologie des carences dans l’apport qualitatif des soins maternels, dans le rapport au père en ce qu’il incarne un manque évident de « tiercéité », en matière de défaillance dans la construction du Moi et pathologie des excès du côté des excitations à la fois internes et externes non psychisées (Brusset, 1991 ; Corcos, 2000, 2005), qui ont débordé le sujet dès l’origine, le privant peu ou prou des capacités d’élaboration nécessaires au dépassement du traumatisme consécutif au gavage psychique. Les registres somatique et psychique demeurent indissociables dans cette pathologie, le corps étant convoqué en lieu et place de la psyché. Ceux-ci seront considérés psychanalytiquement dans le cadre d’une prise en charge spécifique, telle que nous l’avons envisagé lors de l’analyse du cas de Christine.
La spécificité de la notion du gavage psychique réside dans le fait qu’elle illustre ce en quoi le patient se remplit pour satisfaire à la survie de sa mère dans une organisation fantasmatique où l’on n’existe soi-même qu’en se faisant remplir, de sorte que se tisse un destin mortifère d’engraissement destiné à satisfaire une exigence paradoxale de double survie, un couple fusionnel (Haineault, 2006). Le récit de Christine montre, en son état d’avancement notamment à la fin de notre présentation, l’intérêt évident de la prise de conscience de ce processus au sein duquel le sujet disparaît au profit d’un corps maltraité et souffrant qui en présentifie le sens caché ; enjeu même du travail thérapeutique.
Comment l’idée de la notion du gavage psychique a-t-elle pu naître ? De manière répétée notre écoute des discours lors des cures d’enfants a repéré des phrases de type « ça me gave » (Malvaës-Driffield 2005). Cette expression a pris un sens formulé comme un bourrage où le geste (nourrissant) était coupé, dépossédé du monde affectif approprié et avec la marque d’un inconfort subi. Même le sentiment de désagrément perdait de sa valeur dans la mesure où il n’avait plus sa force défensive pouvant conduire, par exemple, à un arrêt de l’acte subi. Le monde de la représentation, de la figurabilité se trouvait du coup réduit à sa plus simple expression : évoquer une image figée sans possibilité de ramification associative dynamique.
Le fait de capter cette dynamique évoque à son tour le moment d’organisation psychique s’exprimant par l’immobilisation psychique du patient mais ressenti par le thérapeute (entrave à toute liberté physique et psychique) notamment dans le registre de l’associativité générative. Le patient en revanche à ces moments-là semble dans un marécage affectif, non qu’il ne ressente rien, mais les affects ne sont pas différenciés, pas qualifiés ; ils sont dans le registre du nauséeux, du bourrage ou de ce sentiment étrange de puits sans fond qui fait qu’on puisse se remplir sans fin ou encore dans la nécessité de vomir etc... Ce sentiment est communiqué par le patient au thérapeute lors de la cure. Dans un premier temps le thérapeute éprouve des sentiments de désagrément comme la paralysie de la pensée. Dans un deuxième temps il peut se rendre compte de ce phénomène induit par un type de transfert que l’école de Mélanie Klein a décrit comme identification projective (Rosenfeld, 1971). Spontanément le thérapeute adopte alors une attitude qui vise à libérer son esprit en imaginant ou mieux en se mettant dans une atmosphère associative de s’échapper à l’impasse du désagrément d’emprise de son esprit par l’immobilisation en se permettant des échappées interprétatives simples interpellations répétitives (p. ex, avec le vocable « justement ») ou antithétiques (avec des phrases comme : « et pourtant vous existez ») qui déstabilisent le patient là où il ne connaît que la répétition impuissante. Le travail d’intervention interprétative ici est préparatoire dans le sens où il permet de créer une capacité de ne pas se sentir seul, de recevoir (être nourri de sens) et en même temps recevoir à titre personnel, autrement dit de procéder à l’équivalent de la naissance du sujet, concomitante de la naissance même de la pensée. Le patient arrive à penser désormais avec quelqu’un sur des sujets qui jusqu’alors étaient noyés dans une banalisation ou une rationalisation à outrance qui rendait la pensée stérile et la parole inutile car non crédible.
La réaction vive du patient à ces mouvements interprétatifs (surprise, suivie d’une libération momentanée de l’associativité, souvent avec une première phrase de confirmation du genre « ce que vous dites me touche », ou « oui, c’est bien ça ») libère le thérapeute de sa propre impuissance dans la mesure où sa parole opère et du même coup la pensée y correspondant n’est plus sous l’emprise d’un organisateur psychique qui englobait le couple thérapeutique. Reste à définir cet organisateur psychique sous forme d’organisation fantasmatique archaïque équivalent à des pré-pensées de la toute petite enfance, avant la parole organisant l’affect qualifié par une pensée ayant différenciée moi/autre, avant/après, dedans/dehors etc.. Reste encore, ce qui ne sera pas examiné in extenso dans cette présentation, la façon de communiquer la représentation du gavage psychique pour la rendre digeste par la capacité intégrative du patient.
L’idée de gavage psychique ne peut naître que dans la tête du thérapeute, jamais dans celle du patient. Cette idée lui échappe comme lui échappe celle d’une mère qui d’ordinaire essaie de qualifier le mal indistinct de l’enfant au moment de son agitation ou de son appel par le cri et lui disant « tu as faim » ou « tu as mal » ou « tu t’es sali mon bébé » en essayant d’apaiser la tension avec le geste approprié, correspondant à ce qu’elle imagine comme source du désagrément. La tâche interprétative est de communiquer la possibilité de représenter ce qui n’a pas été au moment de la genèse de la pensée du sujet. La situation prototypique du gavage psychique est en opposition quasi antithétique avec la première expérience de satisfaction décrite dans « l’Esquisse d’une psychologie scientifique » de Freud (2006). Il m’a semblé que le gavage psychique rend plus précisément compte d’un acte subi par l’enfant à l’aube même de sa vie, le nourrissage par une mère se défendant de vécus dépressifs, se clivant de la capacité d’élaboration de ses affects, portée donc non à nourrir mais à gaver son enfant pour se sentir exister. La mère ici vit à son insu dans une situation traumatique pour elle où l’interpellation par l’enfant la déborde. Les situations banales décrites plus haut de besoins ordinaires du temps du holding, la mettent dans une situation intenable de responsabilité difficile à assumer. En effet, pour assumer l’enfant, raison de plus y répondre de manière appropriée, et se sentir dans la verticalité de la différence des générations, il aurait fallu qu’elle ait recours à un endroit psychique d’enfant tranquille et tenu par une mère tranquille, soutenu par un tiers (père apaisant, grand-mère etc..). Or la mère qui deviendra gavante ressent à ce moment un vide qu’il lui faut inconsciemment combattre à tout prix. Son geste de gaver évacue dans l’enfant son malaise, le remplit de nourriture qui ne peut être qualifiée ni d’apaisante au sens premier d’apaiser la faim et encore moins dans un sens de deuxième degré, prémisse d’une fonction symbolisante, où la nourriture deviendrait lieu d’échange bon, chaud /froid, assez/pas assez etc..
Le gavage psychique est ainsi avant tout une évacuation par la mère de ce qu’elle ne peut penser et ce qu’elle n’a pas élaboré. Ce développement libère la notion de gavage de son aspect quantitatif et comportemental. Dans le même mouvement le thérapeute n’est plus dans la nécessité de rechercher un moment précis de traumatisme spécifique et peut libérer sa pensée vers des situations de microtraumatismes répétés, une ambiance relationnelle qui finit par constituer un organisateur psychique tout comme les fantasmes originaires.
Dans sa fonction interprétative le thérapeute se libérant lui-même de l’emprise projective de cette situation originaire permet au patient de se sentir en possession de lui-même, à l’endroit où le gavage psychique en tant qu’organisateur psychique avait créé la situation aliénante de dépossession de soi. Le soi du futur déviant alimentaire, existe en effet dans un magma mère évacuant/enfant gavé. C’est comme si le psychisme de l’enfant restait collé à celui de sa mère au moment même où, d’un point de vue de développement, il s’en sépare (Ciccone et Lhôpital, 2001 ; Gougoulis, 2008).

Conclusion
Le cas de Christine fait partie d’une cohorte de patients que je suis depuis plusieurs années maintenant. Il illustre dans mon sens la nécessité que j’ai soulignée dans l’introduction de comprendre, au moyen d’outils spécifiques, une pathologie aux contours flous. Il me semble toutefois que chacun doit gagner à un effort de compréhension et d’intégration des dimensions psychologiques du patient ; effort qui ne peut se limiter à la simple idée qu’il puisse s’agir de ‘parler pour se soulager’ ou ‘stimuler l’estime de soi’ voire ‘recevoir une éducation alimentaire’, comme le montre la complexité (par ailleurs fort courante) du cas de Christine présenté ici.
Ainsi l’idée d’une incorporation originaire forcée, sous la forme de ce que je désigne comme un « gavage psychique », peut-elle rendre éventuellement compte de certaines formes de troubles alimentaires. Ce terme qui décrit une particularité de la relation précoce orale, prolonge dans mon sens et spécifie les idées que Jan Abram met en évidence de l’œuvre de Winnicott sur l’importance de l’environnement dans la genèse des troubles ultérieurs.
Je vous remercie de votre attention et espère que la discussion nous permettra d’aller plus loin dans nos recherches respectives.

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