LIBROS, ARTÍCULOS Y CONFERENCIAS ASOCIACIÓN EUROPEA DE HISTORIA DEL PSICOANÁLISIS
Monsieur A. ou la fonction médiatrice de limage
dans le psychodrame psychanalytique individuel
(Barcelone, 27 octobre 2007)
Alain Gibeault
Une forme de psychothérapie, le psychodrame psychanalytique individuel, introduit
une variation du cadre et de la technique fondée sur le jeu. Le paradoxe du psychodrame
analytique consiste en effet à prescrire systématiquement sous forme de jeu ce qui est par
ailleurs considéré comme une entrave au développement du processus analytique, en
particulier la latéralisation du transfert et lagir, moteur ou verbal. Il est vrai que la reprise sur
un mode ludique évite la résistance propre à ces défenses qui seraient alors de lordre de
lacting en tant que tel pour en faire un mode privilégié délaboration pour des patients
incapables de supporter une relation transférentielle organisée autour dun seul analyste. Si le
moteur du processus, le transfert, comme sa finalité, sont ceux de la cure classique, dans le
psychodrame les différences tiennent en fait au cadre.
Le psychodrame analytique, tel que théorisé dans les années 50, par Serge Lebovici ,
René Diatkine, et Evelyne et Jean Kestemberg (Lebovici, Diatkine & Kestemberg, 1969-70 ;
Kestemberg & Jeammet, 1987), et plus récemment par Jean Gillibert (1985) et Philippe
Jeammet (1981), fournit en effet des conditions économiques et topiques permettant à
linterprétation dêtre entendue sans intrusion, et de ce fait dêtre introjectée. Il sagit dun
psychodrame centré autour dun seul patient, avec un groupe de thérapeutes comprenant le
meneur de jeu, à qui revient le rôle interprétatif, et les cothérapeutes dont le nombre est au
minimum de quatre, également répartis entre les deux sexes, et qui sont des joueurs potentiels.
La séance est hebdomadaire et dure environ une demi-heure.
Le cadre spécifique du psychodrame analytique individuel sadresse à des patients,
adultes ou enfants, qui présentent en général des phénomènes majeurs ou dexcitation ou
dinhibition, caractéristiques souvent dun fonctionnement psychotique ou dune phase de
remaniement important, comme limmédiate pré-adolescence et ladolescence. La diversité
entre le meneur de jeu et les différents membres de léquipe permet de fragmenter un
investissement transférentiel massif et dalléger ainsi le poids économique de cette excitation :
linterprétation alternée dans le jeu et hors du jeu aboutit dans le meilleur des cas à la
1
concentration du mouvement, déplacé et ambivalent sur la personne du meneur de jeu, et à ce
moment-là maniable comme un traitement analytique avec un seul analyste.
En réalité, la tactique interprétative vise moins à faire une analyse systématique du
transfert quà favoriser un travail de représentation correspondant à la mise en place de la
régression formelle et topique. De ce point de vue, la fragmentation de linvestissement
transférentiel sur lensemble des psychodramatistes permet lorganisation du processus
analytique et ce ne sera que dans un second temps à la faveur de la régression temporelle quil
sera possible éventuellement dinterpréter le transfert sur le meneur de jeu.
5.2.3.1. De lauto-engendrement à la scène primitive
Le cas de Monsieur A., un patient psychotique, en psychodrame psychanalytique
individuel, peut illustrer cette tactique interprétative (A. Gibeault, 2002, 2004) (1). Au cours
du premier entretien, Monsieur A. dit au consultant : « Jai acheté un pistolet. Donc jai
essayé de me tuer pendant deux jours en faisant un circuit autour de la Seine . enfin bon je
ne sais pas pourquoi, javais choisi les ponts cétait me tirer une balle et après tomber dans
leau Je ne comprends pas ce qui a pu me retenir cest sans doute parce quavec le
pistolet, il fallait appuyer très fort sur la gâchette et bon il y avait un laps de temps entre le
fait de mettre de lavoir dirigé sur moi et dappuyer qui était trop long je trouve quand jai
vu que je ny arriverais pas, bon je me suis pointé au service durgence psychiatrique de
lhôpital Sainte Anne ».
Cest cette tentative de suicide qui a conduit Monsieur A. à une hospitalisation de
plusieurs mois à la Policlinique de lASM 13 (Association de Santé Mentale de Paris 13ème) et
à une consultation au Centre E. et J. Kestemberg, avec le précédent directeur du Centre : cest
une présentation qui ne laisse place à aucun jeu dans les deux sens du terme, puisquelle est
tout autant limage dune réalisation immédiate, que celle de la suspension du temps, « le laps
de temps » qui arrête le geste meurtrier.
La présentation du psychodrame de Monsieur A. et de séquences antérieures significatives a été lobjet
darticles dans différents numéros de « Psychanalyse et psychose » :
A. Gibeault 2002, 2004, 2006 ; Murielle Gagnebin-De MUZAN, 2003.
Léquipe actuelle est constituée par les collègues suivants :
Meneur de Jeu : Alain Gibeault (A.G.)
Psychodramatistes : Clément Bonnet (C.B), Anne Enguerand (A.E), Murielle Gagnebin (M.G), Monique Israël
(M.I), Pierre Mattar (P.M), Laurent Muldworf (L.M), Brigitte Reed-Duvaille (B. R.D), Martha Villarino (M.V).
2
A loccasion, avec laccord de Monsieur A., certains collègues étrangers assistent aux séances de psychodrame
comme auditeurs. Au cours de cette première séance, un collègue russe, Andrei Rossokhin, était présent, ce qui a
certainement contribué au choix du thème de la scène. Ultérieurement, Marina loukomskaïa (M.L.), également
dorigine russe, a rejoint notre équipe et participe régulièrement aux séances de Monsieur A.
Pour faire face à cette problématique meurtrière, le consultant devait proposer
dintroduire le jeu du psychodrame, afin de favoriser la création dun espace psychique et
dune temporalité, qui surmonte le recours au déni omnipotent et au clivage du moi. Le
fonctionnement psychotique de Monsieur A. avait en effet mis en échec auparavant la
proposition dune psychanalyse sur le divan pendant deux ans, puis dune psychothérapie en
face à face pendant encore deux ans : ce travail avait été interrompu brutalement par la
tentative de suicide. Le travail analytique navait pas permis de lier la violence et la
destructivité de ce patient, seul recours possible pour échapper à la menace annihilante de
lindifférenciation davec lobjet, mouvement quA. Green (1990) a décrit comme une
conjuration de lobjet. Pour sortir de la confusion, il ne reste plus alors que la destruction de
lobjet ou celle du sujet lui-même.
La cure par le psychodrame de Monsieur A., dabord sous la direction de Jean
Gillibert pendant deux ans, puis sous ma direction depuis huit ans, devait permettre à Mr A.
denvisager dautres solutions que la destruction. Au moment de la consultation, Monsieur A.
est dans un état de grand désarroi : depuis un licenciement deux ans plus tôt, il dit quil ne
peut plus travailler ou même chercher du travail ; il est, dit-il « resté au lit en faisant le
mort » jusquà ce quil se décide à trouver la solution suicidaire.
Il est hanté par une histoire paternelle humiliante et honteuse, où le grand-père
paternel et son père se sont rendus coupables de collaboration avec les Allemands pendant la
deuxième guerre mondiale ; il est hanté par les récits de guerre et de destruction qui ont
occupé ses lectures dès lenfance et se sent envahi par des images de corps pulvérisés, qui
renvoient tout autant à ses angoisses de morcellement quà leur maîtrise dans la répétition
imaginaire des thèmes qui lhabitent. A la fin de ladolescence, il a été selon le désir de son
père, soldat pendant cinq ans et il sest senti « encaserné » selon son expression, pour désigner
cette expérience angoissante de ne plus pouvoir en sortir une fois quon y est entré,
correspondant au vécu de lenglobement terrifiant par lobjet : son vécu psychotique a
correspondu à cette vision de « lAnge exterminateur », selon le titre du film célèbre de
3
Bunuel, où les invités sont soudainement enfermés dans une maison au cours dune soirée
avec lincapacité de trouver la force den sortir.
A cet enfermement par lobjet, il ny a dautre alternative que celle de fuir lobjet et de
se réfugier dans le désinvestissement, « se laisser tomber » comme le dira Monsieur A. en
évoquant un souvenir denfance à deux ans : « Mon père était le long de la berge (au bord de
la Marne), il était très loin ; il était sur le côté gauche. Ma mère était avec moi sur le côté
droit. Jai avancé dans leau. Comme jétais petit, jai dû perdre pied très vite, à moins dêtre
tombé dans un trou, mais, ce dont je me souviens précisément, cest queffectivement je me
sens tomber. Et ça dure longtemps. Et cest quelque chose qui est sans angoisse presque
même avec plaisir ».
Cest la sortie hors du temps, la fascination pour une chute sans fin où la scène
primitive est déniée au bénéfice dun vécu déternité et dimmortalité, qui peut correspondre à
un fantasme de mort et de renaissance dont le sujet est le seul maître : donc un fantasme
dauto-engendrement correspondant au recours à lomnipotence, comme seule solution pour
éviter la confusion incestueuse avec la mère en labsence dun père qui était dit-il, « très
loin ». Ses parents ont dailleurs divorcé quand Monsieur A. avait treize ans, et la mère a
invité son fils à partager son lit !
Je souhaiterais présenter une séquence survenue après environ neuf ans de
psychodrame, qui nous a permis dentrevoir avec Monsieur A. la possibilité de sortir de la
solution psychotique, dans laquelle il a pu se sentir depuis si longtemps enfermé. Monsieur A.
a maintenant cinquante-quatre ans, mais il en paraît quinze de moins, comme sil avait gardé
un air juvénile proche de ladolescence. Il est vêtu de façon relativement élégante qui évoque
lâge adulte, contrairement à sa présentation au début du psychodrame : à lépoque il était
habillé dun jogging sans forme, les cheveux ébouriffés ou « coupé au bol », selon son
expression, ce qui lui donnait un air égaré ; à limage de son apparence extérieure informe, il
était dune telle passivité dans les scènes, que lon pouvait penser à un être sans contour et
sans intériorité. Cette soumission masochique à lobjet nétait toutefois que lenvers dune
fantasmatique terrifiante exprimée apparemment sans affect : avec un air rigolard, il proposait
de jouer une scène où ses deux soeurs plus jeunes (lune est née un an après lui, la deuxième,
deux ans après lui) étaient découpées en morceaux et enterrées dans le jardin familial.
4
Pour ce patient sa présence corporelle passive et sans contour témoignait de sa
reddition à lobjet, de son abandon au corps de la mère et à son plaisir. De ce point de vue la
scène du psychodrame pouvait offrir à ce patient la possibilité de se libérer de cette emprise et
de cette menace dindifférenciation autrement que sur le mode de la violence destructrice. Si
la passivité est intolérable en raison de cette angoisse denglobement, le psychodrame offre
par sa technique la possibilité dune activité par le jeu, dont les thèmes et les rôles sont
préparés par le patient. Il lui permet ainsi de reconquérir une image du corps jusqualors
marquée par les lacunes, les failles et le morcellement en raison des défaillances de
linvestissement maternel primaire.
Plus que dans la psychothérapie individuelle, où la présence du corps et du geste assure déjà
une limite à langoisse dindifférenciation, le psychodrame met en scène le corps et permet
ainsi daller au delà du clivage entre les affects et les représentations. Le jeu
psychodramatique sappuie sur la mimique représentative du corps et favorise ainsi le passage
du corps à la parole.
Cela suppose toutefois que le geste dans le jeu psychodramatique soit toujours allusif en
laissant ainsi un écart entre lidentique et le même, entre la reproduction littérale et sa
représentation : le travail de symbolisation que le cadre du psychodrame propose sinscrit
justement dans cette distance entre le passage à lacte de lordre de léquation symbolique et
la mise en acte qui sinscrit dans une différence entre la chose et sa représentation. Si le
toucher est possible dans le jeu psychodramatique, il ne peut être de lordre dun érotisme de
convoitise et denvie qui renforcerait les angoisses psychotiques dincorporation, mais doit
sadresser à autrui et lui laisser sa place. Le geste allusif qui met en scène le corps fonde
dailleurs sa visée symbolisante sur le regard tiers du meneur de jeu, qui devient ainsi le
garant dune visée objectalisante et de réappropriation du corps et de ses affects.
Il sagissait dun patient qui sétait retrouvé dans limpossibilité de travailler, et même
de chercher du travail, ce qui lavait conduit à faire une tentative de suicide. Grâce au
psychodrame, Monsieur A. avait pu se permettre de reprendre son travail dinformaticien et
une activité de peintre, qui la même amené, un jour, à nous apporter quelques-uns de ses
tableaux de style abstrait, à la manière de Poliakoff. Toutefois, il se demandait toujours
pourquoi il fallait travailler et gagner de largent. Par ailleurs, il se dépossédait de tout
5
largent quil gagnait au profit dune amie quil vivait comme vampirique. Il rencontrait
également beaucoup de difficultés à se faire payer. Pour lui, travailler, être rémunéré, cétait
vouloir gagner sa vie « comme tout le monde ».
Nous avions travaillé antérieurement ce conflit en termes dopposition entre son idéal
du moi narcissique dêtre un grand homme sans avoir à travailler et les exigences du surmoi
daccepter les limites et, de ce fait, dêtre capable de se donner de réelles satisfactions. Le
travail interprétatif davantage centré sur les modalités du fonctionnement psychique que sur
les fantasmes inconscients avait permis à Monsieur A. de mieux faire face à ses pulsions
destructrices en favorisant les capacités de liaison de lexcitation par un recours à des images
et à des mots tolérables pour le Moi.
Ce nest que dans un second temps quil avait été possible daborder les enjeux de ses
fantasmes inconscients. A loccasion dune scène figurant sa curiosité pour les relations
sexuelles de ses parents, il avait exprimé un déni de la scène primitive. Au cours de cette
scène il trouve naturellement insupportable que ses parents puissent être ensemble ;
lexclusion de la scène primitive est suggérée par les deux psychodramatistes par le désir de
ne pas être dérangé par leurs enfants quand ils sont seuls ensemble. Monsieur A. se sent alors
sollicité à exprimer un désir de voir et dit : « Je regarde à travers, cest comme un trou
blanc ». Trou blanc qui peut être compris comme la figuration dune hallucination négative
qui dénie la scène primitive dans le même mouvement où Monsieur A. y est directement
confronté.
Dans ses associations, après le jeu, il avait rappelé quà ladolescence il pensait que
ses parents navaient jamais eu de vie sexuelle et que les enfants naissaient par génération
spontanée. Le travail sur cette scène fut loccasion dinterpréter le fantasme inconscient sousjacent
à son apragmatisme et sa difficulté à gagner de largent : «Gagner sa vie comme tout le
monde, cétait accepter lidée dêtre né dun père et dune mère comme tout le monde, ce qui
avait été longtemps pour lui insupportable et inacceptable ». Grâce à la possibilité de figurer
dans le psychodrame le déni de la scène primitive, nous avions pu aller au-delà des
mécanismes psychotiques de déni et de clivage du moi et lui permettre den introjecter
linterprétation, sans vivre celle-ci comme une effraction de son monde psychique.
Il est intéressant également de remarquer que pour Monsieur A. la scène primitive
sétait figurée à partir du thème des camps de concentration. Il avait évoqué un jour lidée que
ses parents se disputaient souvent violemment à propos de lextermination des juifs dans les
6
camps, le père refusant dadmettre la réalité de lextermination nazie des juifs dEurope
contrairement à la mère qui soutenait le contraire ; face à une scène primitive si violente et
destructrice, Monsieur A. navait eu comme recours quà transformer le trou noir en trou
blanc et faire disparaître toute trace de terreur et de violence au prix toutefois de cette
« déchirure dans le moi » selon limage utilisée par Freud pour décrire le clivage du moi dans
la psychose.
Dans ce mouvement de passage du fantasme dauto-engendrement à lélaboration de
la scène primitive, Monsieur A. se découvre sujet de ses pulsions, plutôt que lobjet dune
persécution par autrui. Au cours des séances suivantes, il se demande si finalement sa haine
na pas déformé la façon dont il a pu représenter ses parents et, conscient de limportance
dune temporalité, il comprend que tout ce quil vit aujourdhui, en particulier dans ses
relations avec les femmes, vient « de tout ce quil a créé dans sa tête quand il était petit ». Il
prend également conscience de la différence entre penser et faire et après avoir eu tant de
fantasmes violents, il sétonne en disant : "Je nai pas trucidé quelquun jusquà maintenant ».
Il est dailleurs remarquable quau cours des séances où les thèmes sont les plus violents, il
préfère prendre le rôle dobservateur et laisser à un psychodramatiste le soin dexprimer les
fantasmes les plus primitifs : découper ses soeurs en petits morceaux et les déposer à la
consigne de « la gare de Lyon » qui devient alors sous la pression du processus primaire « la
gare des lions ».
Alors quil émerge de la confusion psychotique et redevient humain, Monsieur A.
tombe malade physiquement, et lon ne saura jamais si ce quil a appelé un gros rhume pour
lequel il a été hospitalisé, a été une méningite ou pas, comme lenfant autiste invulnérable qui
sort de lencapsulement psychotique et attrape toutes les maladies physiques. Monsieur A. est
maintenant malade physiquement pour la première fois, mais hésite à évoquer lidée dune
maladie mortelle : il pense à la mort, « mais je préfère, dit-il, ne pas penser que ça pourrait me
faire peur ». Devenir humain et entrer dans le temps, cest en fait pouvoir accepter la
naissance et la mort.
Comme le dira un jour Monsieur A. : « Le temps est à refaire tous les jours un petit
peu ». Cétait certes indiquer ainsi le risque dun enfermement dans la juxtaposition des
instants. Mais cétait aussi le souhait de sétablir dans la durée et la permanence. Cela suppose
7
de pouvoir momentanément suspendre les enjeux de la vie et de la mort sans les dénier dans
un plaisir de jouer qui est tout aussi bien un plaisir à penser et à fantasmer.
Que peut-on dire des mouvements transférentiels ? Il est tout à fait remarquable que,
dans le même mouvement où Monsieur A. montrait des capacités à surmonter le conflit
dambivalence à légard des imagos parentales, il fit son premier rêve transférentiel après huit
ans de psychodrame : il mapportait un énorme bouquet de fleurs odorantes et colorées
derrière lequel je disparaissais. Ce rêve, fortement condensé, témoignait dune capacité à
mettre en scène un Oedipe inversé en projetant sur son analyste la position féminine tout en
représentant sa propre angoisse devant la « fleur-femme-vagin » dévoratrice. Le thème des
fleurs, figurant le sexe féminin, avait été loccasion de réfléchir avec lui sur sa peur de
toucher la femme-fleur de crainte dêtre aspiré et sur le besoin de tenir ces fleurs à distance
en se limitant à sentir leur parfum. Dans le rêve transférentiel, les fleurs odorantes étaient
certes des fleurs que lon pouvait toucher, mais qui en même temps risquaient dentraîner la
disparition dautrui ou du sujet lui-même.
5.2.3.2. Le souvenir de lenfant en détresse
Dans ce travail de perlaboration, on pouvait se demander pourquoi Monsieur A.
navait jamais pu évoquer directement la détresse de lenfant quil avait été. Grâce à la
capacité retrouvée de régression formelle et topique, Monsieur A. a poursuivi jusquà
récemment le travail de remémoration et de reconstruction corrélatif de la régression
temporelle. A lavant-dernière séance avant la séparation des vacances dété, il proposera à
léquipe du psychodrame dévoquer et de retrouver le souvenir de lenfant abandonné à des
affects et des sensations incompréhensibles en présence de ses parents et de pouvoir entrevoir
dacquérir, selon lhypothèse de Winnicott (1958), la capacité dêtre seul en présence
dautrui.
Je lui rappelle nos dates de vacances pour lété. Monsieur A. remarque quil na rien à
dire. Toutefois il est allé aux prudhommes pour réclamer largent que sa patronne lui devait ;
mais celle-ci nétait pas là. De plus le responsable des prudhommes avait oublié le dossier :
« Cest un homme de la CGT (syndicat de gauche), il avait donc les mains vides et moi je nai
pas dargent ».
8
Il parle de Marie (son amie actuelle avec laquelle il a une relation stable pour la
première fois) qui va partir en vacances une semaine en Sardaigne parce quelle a travaillé un
mois ; avant elle touchait le RMI (Revenu minimum dinsertion). Il ne partira pas car il na
pas dargent. Il reste silencieux et je lui demande quelle scène nous allons jouer. Il na pas
didée. Mais finalement, il déclare quil va jouer une scène avec son amie Marie. Il choisit le
rôle de lobservateur et donne son rôle à Mr. M. et celui de Marie à Mme I.
Marie dit : « Je pars, tu nas pas dargent, tu nas pas de travail » ; il répond quil est
dans le vide et imagine quun autre homme, riche, pourrait soccuper de Marie. Jenvoie le
Dr. B., lun des thérapeutes hommes, jouer le rôle dun ami qui lui propose de rester avec lui
en labsence de Marie et de lui prêter ses tubes de peinture. Monsieur A. rétorque : « Au fond
on nest pas attaché, jai peur de lengloutir dans mon vide ». On évoque lidée que tout le
monde labandonne, y compris le groupe du psychodrame.
Jarrête la scène en réfléchissant avec lui pourquoi il établit un lien entre la séparation
et le vide : il dira : « Ou on est collé ou cest le vide ». Je lui réponds quil a longtemps pensé
ainsi ses relations avec dautres femmes mais quil avait, me semble t-il, construit une relation
différente avec Marie ; on peut se demander si la séparation ne peut quentraîner le vide alors
que depuis plusieurs semaines, il sest rendu compte que nous partagions ensemble beaucoup
de choses importantes susceptibles de rester en lui-même si lon se sépare. Il est dubitatif et
observe quil a limpression que depuis un mois rien ne se passe au psychodrame, en fait,
depuis le moment où il ne gagne plus dargent. Il sinterroge sur les raisons pour lesquelles il
réunit séparation et vide et sil ny a pas eu des abandons antérieurs. Je lui demande lesquels :
« A quatre ans » me dit-il. A ma question sur ce qui a pu se passer à cet âge, il me répond :
« Je ne me souviens pas à quatre ans, mais avant quand jétais dans la poussette, cétait le
silence, les parents étaient là mais ne parlaient pas, ils se disputaient et je ne comprenais rien,
cétait des mots sans sons ». Il nous explique que la dispute concernait le loyer réclamé par le
propriétaire, que son père navait pas payé et il remarque : « Cest un peu comme moi
aujourdhui ».
Je lui propose de jouer cette scène, il choisit son rôle, Mme E. dans le rôle de la mère,
Dr. B. dans celui de son père, Mr M. dans celui du propriétaire. La mère est silencieuse,
lenfant face à elle, pendant que le propriétaire se dispute avec le père au sujet du loyer
impayé. La mère impose le silence à voix basse. Monsieur A. se mêle dans la conversation
9
pour nous dire : « Je ne comprenais rien à ce qui se passe ». Toutefois il commente la scène
en nous décrivant un père mutique et sans réaction devant le propriétaire. Il remarque quil
nest pas dans le sens où se trouve un enfant dans une poussette et il tourne alors le dos à sa
mère qui sexclame : « Mais alors mon enfant comprend, je ne lui parlais pas parce que je
croyais quil ne comprenait pas » !
Il évoque une image : il est un enfant dans le noir, une porte souvre, il voit la lumière
blanche et ne sait pas ce qui se passe. Cette image nous renvoie au trou blanc de la scène
primitive, à léblouissement devant lobjet maternel, « le sein qui rend aveugle ». La mère,
sadressant alors au père, lui dit : « Il sagit de nous derrière la porte ». « Ils se disputaient »,
nous dit Monsieur A. La mère interpelle le père : « Tu vois quand on se disputait, notre enfant
croyait que tu me coupais en morceau ».
A ce moment là, jinvite deux collègues femmes à jouer une mère et une fille dans une
relation de tendresse réciproque. Lenfant, réalisant quil est en face à face avec sa mère, se
retourne pour lui présenter son dos : « Mais non, tu es derrière moi, et je te sens derrière
moi ». La mère réagit avec douceur : « Tu es mon bébé, tu es très belle ». Monsieur A. en
parlant de ses parents poursuit : « Ils auraient dû en prendre de la graine ».
Je réfléchis avec lui sur le sens de cette scène et à nouveau il fait le lien entre
labandon et le vide. Je remarque que cest paradoxal de vivre un sentiment dabandon et de
séparation en présence de ses parents ; nous sommes plutôt confrontés entre nous, ici, à une
séparation dont il pourrait penser quelle ne renverrait pas au vide sil gardait en lui les
paroles que nous avons partagées et qui ne sont pas des mots sans sons.
Cest cette impossibilité dintégrer toutes ces sensations qui avaient conduit Monsieur
A. à ne construire le lien à autrui que sur le mode dun trop dabsence ou dun trop de
présence, comme lavait montré lenfant dans sa poussette incapable de comprendre des
« mots sans sons » : expression étrange de Monsieur A. pour désigner des « sons sans mots »,
un bruit incompréhensible équivalent à des « mots sans sons », à un silence destructeur de la
part du couple parental, renvoyés en raison de leurs conflits à un désinvestissement et un non
regard sur la vie émotionnelle de leur enfant.
10
Dans ce mouvement transférentiel Monsieur A. sabsentera sans prévenir à la séance
de reprise après les vacances dété. Il évoque pour lui une confusion dans les dates mais il
apparaîtra clairement que cette absence était motivée par le désir dacquérir une maîtrise de la
séparation par rapport au meneur de jeu et au groupe de psychodrame en décidant de
renverser les rôles et dabandonner plutôt que dêtre abandonné. Cest ce que je lui
interpréterai et la suite de notre travail montrera limportance délaborer le transfert paternel
sur le meneur de jeu. Monsieur A. évoque ainsi pour la première fois ladmiration pour son
père car il nest pas seulement le salaud collaborateur avec les nazis qui a suscité sa haine
mais aussi un maire respectable et apprécié dans une commune de France qui suscite son
amour. Lappui sur ce transfert paternel lui a permis ultérieurement de mieux faire face à ses
angoisses génitales et prégénitales vis-à-vis de limago maternelle, et de sautoriser et de
maintenir une vie amoureuse stable avec une femme.
Réfléchissant récemment au bénéfice trouvé dans notre travail analytique il a
remarqué : « Il y a dix ans jétais au chômage et jai voulu me suicider, aujourdhui je suis
momentanément au chômage mais je nai pas envie de me suicider ! » Monsieur A. avait
effectivement perdu son travail en raison de la faillite de lentreprise dans laquelle il travaillait
mais contrairement au désespoir dans lequel il se trouvait dix ans auparavant, il peut, grâce
au transfert sur le meneur de jeu et le groupe de psychodrame trouver en lui le désir et les
ressources pour chercher un autre travail et y trouver des satisfactions. On peut ainsi penser
que le psychodrame avait permis à Monsieur A. daccepter les enjeux de la naissance et de la
mort, de la scène primitive et de la sexualité humaine. Sortir de la psychose, cest en réalité la
possibilité daccepter les limites de lêtre humain, et à cette condition pouvoir vivre sa vie au
lieu de la rêver.
Stratégie thérapeutique et tactique interprétative dans labord des patients
psychotiques ont pour objectif de favoriser les fonctions de symbolisation chez des patients
qui ont souvent perdu la possibilité de différencier entre le symbole et lobjet symbolisé, entre
le présent et le passé, entre les imagos paternelles et maternelles. Langoisse psychotique
renvoyant le sujet à ce conflit irreprésentable dêtre, à la fois, sujet dévorant et objet dévoré, il
sagira de proposer un cadre externe et interne qui permettra à linterprétation dêtre
introjectée. Cest pour cette raison que le choix de travailler davantage dabord sur les
modalités de fonctionnement psychique, plutôt que sur les fantasmes inconscients et la
relation transférentielle, peut favoriser dans un premier temps la création dun espace
11
psychique où peuvent se rencontrer sujet et objet dans un enrichissement réciproque sans
confusion ; cest seulement dans un second temps que linterprétation du transfert dans ses
modalités positives et négatives pourra être élaboré ; cest ce que Winnicott avait à lesprit
lorsquil soulignait que la chose la plus importante, pour lanalyste, était sa capacité de jouer
avec des images, des représentations, des mots qui devaient permettre aux patients, en
particulier à ceux qui présentaient un fonctionnement psychotique, dacquérir cette capacité
de jouer, que ce soit dans un traitement individuel ou dans le psychodrame.
Le travail analytique avec les patients psychotiques visera essentiellement à
développer cette capacité à jouer, ce que le cas de Monsieur A. avait particulièrement bien
illustré lorsque, après plusieurs années de psychodrame, il commençait chaque séance en se
posant une question sur son fonctionnement psychique : « Je me suis demandé sil ny avait
pas eu un problème à propos de ma naissance ? » ; ou, un autre jour : « si ma haine ne ma pas
empêché de réussir à lécole ? » où à un autre moment : « si ce nest pas ma haine qui
mempêche de peindre ?» Le psychodrame analytique avait permis à Monsieur A. dacquérir
cette capacité auto-réflexive témoignant de linstauration dun véritable processus analytique.
Si un patient psychotique peut ainsi se poser ces questions, cest quil a acquis une
capacité à jouer avec ses représentations, à fantasmer et à penser plutôt quà décharger une
excitation dans la recherche dune satisfaction immédiate. Cest là lenjeu de tout travail
analytique, quelle que soit lorganisation psychique du patient, qui sappuie sur lactivité de
négation telle quelle fut décrite par Freud, (1925b), comme mécanisme psychique au
fondement des processus de pensée. Après chaque scène de psychodrame, le meneur de jeu
demande souvent au patient : « Quavez-vous pensé de ce qui sest joué ? ». Il offre ainsi, à ce
dernier, la possibilité daccepter certaines des représentations qui lui ont été proposées et den
rejeter dautres et de pouvoir ainsi exister comme sujet à part entière, face à autrui.
5.2.3.3. La photo, « ça me saoule »
De ce point de vue le psychodrame psychanalytique individuel propose un cadre favorable au
développement et à lexercice de cette pensée par images pour sortir des images fixes,
stéréotypées et répétitives et souvrir à un mouvement des images au fondement de la
constitution dun récit et dune histoire. Lappui sur un jeu psychodramatique sous le regard
du meneur de jeu permet de construire cet écart nécessaire à la constitution dun processus de
12
symbolisation qui nest autre quune possibilité de jeu sur les images, les représentations et le
langage.
Dans cette perspective limage occupe une position intermédiaire entre la chose et le mot et
suppose que lon soit attentif à la fois à sa « virtualité contenante », qui permet au sujet de
trouver le chemin vers lobjet, et à son « pouvoir médusant » (Tisseron, 1989) qui risque
denfermer le sujet dans une fascination quasi-hallucinatoire, voire dans lhallucination
psychotique. Le même auteur remarque avec pertinence que « limpossibilité de pouvoir
imaginer une situation peut conduire à lagir mais, en même temps, limpossibilité de pouvoir
imaginer une situation comme réalisée peut aussi conduire à désirer la réaliser pour pouvoir
limaginer, c'est-à-dire pour pouvoir la symboliser à travers une image » (p.1996). Autrement
dit, à la demande des patients de leur assurer une réciprocité du désir, il sagit de leur
proposer la réciprocité de limage.
Cette revalorisation de la pensée par images est au centre des réflexions sur le rôle de la
figurabilité dans la cure et de limportance de la régression topique et formelle (C. et S.
Botella 2001) ; elle prend toutefois dautant plus de valeur lorsquil sagit de travailler avec
des patients qui nont pas à leur disposition cette capacité de régression formelle et topique,
condition pour que seffectue la régression temporelle au sens psychanalytique du terme.
F. Duparc (2005) a souligné tout lintérêt de la réflexion contemporaine sur limage psychique
qui intéresse le psychanalyste et insiste également sur son statut intermédiaire dans lactivité
de représentation, « entre limage perceptive proche de laction et du réel quelle tend à
reproduire, et limage poétique ou rhétorique à multiples transformations évoquées à
lintérieur du langage » ; et il ajoute : « Ce statut intermédiaire explique le rôle positif de
limage dans la réanimation de la pensée, quelle rattache au corps, à laffect et à la pulsion » ;
mais il explique aussi « la possibilité de fixations, là où un traumatisme a gêné lélaboration
des représentations nécessaires à la construction fantasmatique du sujet, de son Oedipe, et de
son roman familial ».
Une séquence récente du psychodrame de Monsieur A.1 permettra, ici, dillustrer cette
fonction de limage dans la cure analytique qui permet les retrouvailles entre le corps et
lesprit, entre la sensation et la perception, entre les représentations et les affects. Envahi
1
13
pendant longtemps par des angoisses dindifférenciation à légard de limago maternelle
archaïque il a pu progressivement sappuyer sur le transfert paternel et retrouver en lui le désir
dune filiation paternelle. Après avoir lu le livre de Gérard Haddad, « Comment jai été
adopté par Lacan », il a pu exprimer dans le jeu son fantasme dêtre adopté par le meneur de
jeu et ses co-équipiers « sa nouvelle famille ».
Cest dans ce contexte quil exprimera pour la première fois de façon aussi éloquente, son
rapport à limage dans lévocation de la visite dune exposition de photos.
Après que le meneur de jeu lui eut demandé ce quil souhaitait jouer, Monsieur A réfléchit un
bon moment, bras croisés, puis en le regardant pour la première fois depuis le début de la
séance :
Mr A : Bon bien pourquoi pas ça, je ne sais pas très bien, à la FNAC il y a une expo de photos
sur Saint- Pétersbourg Il y aurait Madame Enguerand et puis heu.. moi par exemple.
A.G : Alors Madame Enguerand . ?
Mr A : Cest une dame que jai vue justement.
A.G : Vous regardez ensemble (Mr A. : Voilà !) lexposition de photos (Mr A. : Voilà !) de
Saint-Pétersbourg (Mr A. voilà), daccord très bien. (Les protagonistes prennent place)
A.E : Ah je ne savais pas quil y avait des nuits blanches à Saint-Pétersbourg ; ah oui ça cest
un drôle de phénomène ça, à Saint-Pétersbourg, des nuits blanches, vous comprenez
comment ?
Mr A : Je savais que ça existait mais pas dans ce sens là.
A.E : Vous pensiez à quel sens, vous, Monsieur ?
Mr A : Ben de toute façon tout à lheure là on sest croisé, vous avez bougé (A.E : oui ?) et
puis je me suis dit mais quest-ce quelle fait ?
A.E. : Quest-ce que javais lair de faire ?
Mr A : Ben le signe de croix (il rit)
A.E : Jaurais été inspirée par ces églises russes, ces paysages,
Mr A : Non là il ny a pas déglise (toujours riant)
A.E : Oui il ny a pas déglise cest
Mr A : Il ny a pas déglise voilà.
A.E : Jaurais dû me prosterner devant ça ? Non mais vous avez rêvé que je faisais le signe de
croix !
Mr A : Ah ben cest moi qui lai inventé.
A.E : Oui je crois, je crois, jétais peut-être un peu agitée, je les trouve très belles ces photos,
ça mexaltait, les couleurs magnifiques, cette impression des nuits blanches, mais vous faites
des nuits blanches ?
Mr A : Parce que cest plus marqué.
A.E : Cest une couleur très particulière, cet espace blanc laiteux.
Mr A : Jai compris que la nuit était claire, bon ça, alors,
A.E : Alors nous quand on dit faire une nuit blanche, hein ?
Mr A : ouais
A.E : Ça vous arrive de temps en temps ?
Mr A : On narrive pas à dormir.
14
A.E : ouais (silence) ben là, le soleil ne se couche pas je crois hein ?
Mr A : mmm (silence)
A.E : Ça doit être un drôle de truc là, dailleurs, je crois, ils dansent toute la nuit, ils narrêtent
pas daller et venir, à Saint Pétersbourg.
Mr A : Là il ny avait personne, il y avait la mer, la mer qui était gelée ».
Au cours de cette séquence Monsieur A. évoque lexcitation que suscite la vision des photos
de Saint- Pétersbourg figurée par la « folie » de la spectatrice qui fait des signes de croix.
Limage de la nuit blanche suggère limpossibilité de faire face à cette excitation qui
lempêche de dormir, alors que limage de la mer gelée représente le contre-investissement de
cette excitation. Il associe par la suite sur le trouble que provoque la vision des photos :
« A.E : Et vous Monsieur, quest-ce que vous faites ? Vous aimez les photos, vous venez dans
des expos photos ?
Mr A : Oui jaime bien, oui, oui.
A.E : Et vous vous êtes
Mr A : Faut pas que jen vois trop.
A.E : Ah bon !
Mr A : Cest comme les tableaux.
A.E : Ça vous tourne la tête.
Mr A : Ah oui, oui oui oui ah bon
A.E : Cest dangereux, vous trouvez ?
Mr A : Euh non, ça me saoule.
A.E : Ça tourne, (G. mmm) ça vous saoule ?
Mr A : Je suis vite rassasié.
A.E : Oui cest un peu fatigant, tout à lheure moi jétais un peu agitée, vous avez cru que je
faisais le signe de croix, moi ça mexalte, ça mexcite, cest peut-être ça que vous trouvez
dangereux ?
Mr A : Ben oui, ben peut-être parce que après je sais plus quoi en faire de
A.E : Il faut vite retourner en faire quelque chose !
Mr A : Ça retombe.
A.E : Moi ça me donne
Mr A : Ou ça reste dans la tête et puis voilà »
La scène sachève par lévocation des photos que faisait son père et le lien immédiat avec les
« baffes » quil recevait quand il était petit. Dans léchange qui sensuit entre Monsieur A. et
moi-même, il évoque son inhibition à peindre, ce que je lui interprète comme « la peur que ça
lui tourne la tête, que ce soit trop de plaisir ».
Avec une grande clairvoyance sur lui-même Monsieur A. associe alors sur les liens entre
plaisir et angoisse danéantissement :
15
« Mr A : Oui, parce que quand, ça mest arrivé quand jai des choses que jai faites dès que je
comprenais, ça me, bien cest comme si ça manéantissait, je ne pouvais pas aller plus loin,
parce que, oui cest ça, oui parce que cest lié au plaisir ça déborde ! »
Je lui fais alors remarquer que le psychodrame cest un jeu et que lon peut partager un plaisir
sans que cela vous déborde et que cest une expérience différente de ce quil nous a raconté
des jeux avec son père, dans son enfance, quand il jouait à la guerre et que « tout dun coup ça
ne devenait plus du jeu ». Après un temps de silence Monsieur A. associe « Oui il y a le
meurtre ». Je poursuivrai : « Oui il y a le meurtre, alors on arrête le jeu et on se dit je ne
jouerai plus jamais.
Grâce à cet appui sur le meneur de jeu et sur toute léquipe, Monsieur A. peut évoquer ainsi
les enjeux de limage dans sa double polarité dimage psychique (image) et dimage
matérielle (picture) ce qui suppose une articulation entre sa fonction dindifférenciation quasi
hallucinatoire et sa fonction contenante. Pour Monsieur A. limage devrait être une copie du
réel et laisser peu de place à son pouvoir dévocation et à sa dimension daffect, au risque
sinon dêtre vite « saoulé », « rassasié », voire «anéanti ». Les mots utilisés par le patient
pour décrire les photos de lexposition sur Saint-Petersbourg sont ici impressionnants : la
vision dune image est rapidement source dune angoisse dindifférenciation dont il ne peut
sortir quen coupant aussitôt, comme un rêveur triomphe par le réveil des images de son
cauchemar. Murielle Gagnebin (2003) évoquait à ce sujet lombre de limage : « Se
confronter aux ombres dans limage peut conduire à maints périls jusquà exsuder une
douleur affolante, stupéfiante, tout près dannihiler sens et conscience » (p.10) Le risque est
alors de se trouver face à « une image privée dombre à jamais » (Ibid), sans profondeur.
A ce sujet, Laurie Laufer (2005), philosophe et psychanalyste, décrit avec beaucoup de talent
les enjeux de limage dans les traumatismes de la perte : «Dans le cas du traumatisme, il peut
donc se produire parfois un arrêt sur image, arrêt qui peut être leffroi ou la fascination qui
provoquent une sidération et cet arrêt gèle tous les affects, ne donne plus la possibilité de
sémouvoir, cest-à-dire de vivre le corps pulsionnel, notamment par la parole » (souligné par
moi). Et elle ajoute : « Quest-ce quune image sans mouvement, sinon laveuglement ou la
capture du regard ? ». Ce regard cest tout aussi bien celui de la Méduse qui pétrifie. La
solution ne peut venir que dun « travail de vision » qui suppose de pouvoir « fermer les
yeux » et retrouver la part dinvisible au bord du visible. Dans un cauchemar relativement
ancien, Monsieur A. avait rêvé « quil était chirurgien, quun patient était allongé sur une
16
table dopération et que celle-ci consistait à lui enlever les paupières » : il ne pouvait mieux
figurer les conditions dun « travail de vision » dans la nécessité dintroduire un mouvement
de continuité et de discontinuité, douvrir et de fermer les yeux, pour quune image puisse
trouver sa profondeur de champ, sa distance et lécart indispensable entre le sujet qui voit et
limage quil regarde.
Ce travail de vision est une façon de décrire la dimension de lhallucinatoire qui cherche à
obtenir, certes une identité de perception, mais permet en même temps dentraîner le
mouvement vers lidentité de pensée. Sans cette temporalité, limage devient pure sensation
qui aveugle et brûle : cest « larrêt sur image mélancolique », selon lexpression de Laurie
Laufer. De ce point de vue, il faudrait distinguer le statut de limage dans lhallucination
pathologique et dans lhallucinatoire par rapport à cette qualité du mouvement. Par ailleurs, le
mouvement de limage qui ouvre à la dimension de la représentation et de lhistoire serait
différent de la mobilité, qui inscrit limage dans une répétition sans histoire au service de la
sensation.
Lopposition fonctionnelle entre perception et mémoire que Freud reprend à Breuer, pour
décrire la succession des systèmes psychiques, trouve ici sa vérité. La perception apparaît
effectivement à la place de la trace mnésique, elles ne peuvent exister en même temps (Freud,
1925). La simultanéité nest jamais absolue. Là où elles coexistent, cest-à-dire dans la
psychose, il y a un clivage de la topique et non une régression : Gillibert (1977) remarque à
juste titre quil y a alors, dune part la trace mnésique sous la forme de linvestissement de
mot et dautre part, la perception, comme effacement de cette trace, dans une autre place et en
même temps. Or, cette perception ne correspond plus à un « vécu » perceptif, mais se présente
sous la forme dune « sensation », dun affect deffroi que traduit la terreur devant limage
hallucinatoire. Les « représentations de mot » constitueront dès lors, la protection inerte
contre cette « sensation » terrifiante.
Le refoulement est effectivement corrélatif de la perte de lobjet, et de lélaboration de cette
perte comme non définitive ; la permanence de lobjet garantit son apparaître-disparaître et les
substitutions symboliques de sa réapparition. Cest quand la perte est vécue comme définitive,
comme dans la psychose, que la fixité se substitue à la permanence, le mobilisme au
mouvement et la juxtaposition des contraires à la contradiction. Penser en termes
dopposition, cest laisser échapper la dimension du conflit psychique, qui ne peut se
comprendre quen termes de différence. Le travail avec les patients psychotiques consistera
17
justement à favoriser le passage du clivage du Moi enfermé dans la juxtaposition des
contraires, à la dimension du conflit fondé sur la contradiction.
Cest ce quillustre le fonctionnement du bloc magique que Freud (1925) utilise comme
métaphore du fonctionnement psychique. La conscience nest possible quen raison de
linvestissement inconscient, comme lécriture sur la feuille de cire dépend du contact avec le
tableau de cire ; mais, en même temps, cest parce que ce contact nest pas permanent que le
système perception-conscience peut se renouveler : « Si lon imagine quune main détache
périodiquement du tableau de cire la feuille recouvrante pendant quune autre écrit sur la
surface du bloc-notes magique, on aura là une figuration sensible de la manière dont je
voulais me représenter la fonction de notre appareil perceptif (p. 124).
Cette allusion au soulèvement périodique des feuillets montre quil faut faire intervenir la
dimension de la temporalité pour rendre compte de la structure de lappareil psychique et
surmonter les difficultés inhérentes aux modèles optiques ou photographiques qui ne
permettaient pas de concilier simultanément les fonctions de perception (succession) et de
mémoire (permanence). Comme le remarque très justement Derrida (1967) « les traces ne
produisent donc lespace de leur inscription quen se donnant la période de leur effacement »
(p. 334). Il faut retrouver la dimension du point de vue dynamique pour ne pas se laisser
enfermer dans une représentation de lappareil psychique selon un espace et un temps
cartésiens, marqués par lextériorité réciproque des parties et aussi rendre compte des enjeux
de lespace et du temps dans le fonctionnement psychique, autant dans la névrose que dans la
psychose. La dimension du conflit psychique suppose quil ny ait ni contact permanent, ni
rupture entre les systèmes psychiques, ni perception pure, ni mémoire pure. Le néo-kantisme
de Freud laisse échapper à un certain niveau cette différenciation de lappareil psychique
consécutive au travail de la pulsion : la diversité des systèmes ne se résume pas à une simple
opposition entre le positif et le négatif.
Cest ainsi que lon peut comprendre le rôle du refoulement originaire, dont Freud (1915)
nous dit quil permet la fixation de la pulsion à une représentation, et dont le seul mécanisme
est le contre-investissement. Il vise en effet, à contenir la tendance à la décharge absolue de
lexcitation, et à se défendre contre lhallucination de la satisfaction par la création dun
processus fantasmatique et la constitution des fantasmes originaires. En même temps, cette
fixation est à lorigine de cette « emprise de la compulsion de répétition » et de « cette
18
attraction exercée par les prototypes inconscients », dont Freud (1926) parle à propos de la
résistance du Ça (p. 88).
Le refoulement originaire institue en effet cette « inertie » primitive du psychisme, qui permet
en retour « lillumination » de la conscience et louverture au monde. La perception nest
possible que parce quune présence pleine est toujours menacée par une chute dans la
mémoire : elle suppose le deuil de la présence absolue, dès lors sa négation, au risque de
nêtre quhallucination. Linconscient est « lindex » de cette négativité qui sactualise dans
un processus négatif : la résistance, lauto-érotisme, la décharge absolue des tensions. Mais
cette négativité a une raison dêtre qui nest plus négative mais positive : elle permet à la
conscience dapparaître et dexister et au jugement dexistence de seffectuer.
De ce point de vue, le travail analytique avec Monsieur A., montre clairement que laccès à
lhallucinatoire ne pourrait être possible quen surmontant le « meurtre » de lobjet et en
construisant sa possible représentation dans la vie psychique. La philosophe Marie-José
Mondzain (2002) a une formulation éloquente pour décrire les conséquences de ce travail
psychique : « Lirreprésentable ne peut attendre sa symbolisation que de la vision ellemême
» (p. 120). Notre patient a pu trouver jusquà maintenant dans le psychodrame un lieu
favorable pour retrouver la vue : cette tâche nest pas achevée mais cette séance a pu montrer
les possibilités du patient den évoquer les enjeux, compte tenu du pouvoir accru de regarder
et dêtre regardé comme figure dun investissement de et par lobjet, rendant possible
lacceptation dun processus de différenciation entre soi-même et autrui et laccès au
fonctionnement de la topique psychique.
5.2.3.4. « Quest-ce que je vois moi dans les tableaux ? »
A la séance suivante Monsieur A déclare demblée :
La dernière séance ça ma beaucoup soulagé. Alors je crois que cest parce que jai dit le mot
meurtre.
Cest loccasion de réfléchir ensemble sur la différence entre fantasme et réalité : on peut
parler du meurtre sans tuer. Son soulagement témoigne de sa capacité à pouvoir vivre sa haine
sans crainte de se détruire ou de détruire lobjet. Ainsi souvre la voie pour différencier le
plaisir orgastique, le plaisir qui monte et qui retombe, et le plaisir transitionnel qui permet
laccès à une pensée désexualisée et à la sublimation. Winnicott (1971) a en effet souligné que
19
lexpérience de la transitionnalité ne connaissait pas « dacmé » et différait « des phénomènes
qui ont un support instinctuel où lélément orgastique joue un rôle essentiel et où les
satisfactions ont étroitement liées à ce moment culminant » (p.36). Cest ce que Freud (1924)
avait également à lesprit quand il sinterrogeait sur une satisfaction liée non pas à la décharge
de la quantité dexcitation, mais à la dimension qualitative de celle-ci liée au rythme. De ce
point de vue la sublimation renvoie à la possibilité dorganiser des processus de pensée que
Freud (1895) décrit dans lEsquisse comme relatifs à lutilisation de petites quantités
dénergie ; ainsi sorganise la possibilité dun plaisir de fonctionnement, non essentiellement
lié à la décharge de la quantité dexcitation, selon le principe dinertie, mais au maintien
dune certaine tension, selon le principe de constance.
Monsieur A. est maintenant capable de sinterroger sur son fonctionnement psychique, et
alors quil réfléchit à son désir de peindre et aux difficultés quil rencontre, il va chercher à
comprendre ce quil voit quand il regarde un tableau ; pour la première fois depuis le début du
psychodrame il peut évoquer une expérience hallucinatoire de son enfance qui a probablement
déterminé sa vision traumatique du monde.
Mr A. : Enfin je ne peux pas dire que je crois à la lumière quand même bon (silence), mais en
fait quand je regarde le tableau, cest ce que je vois, je me demande pourquoi je vois ça ?
A.G : On peut jouer une scène à ce sujet là ? Comment voyez-vous la scène ?
Mr A : Ben il y a moi et quelquun dautre et puis non, non personne représente le tableau.
A.G : Vous regardez lun et lautre deux tableaux ? Un tableau ?
Mr A : Oui par exemple.
A.G : Qui serait lautre personne ?
Mr A : Madame Villarino.
A.G : Madame Villarino
(Début de la scène avec les deux protagonistes)
M.V : Oui ?
Mr A : Ben oui cest comme sil y avait oui une grande lumière dans le tableau.
M.V : Ecoutez, en tout cas dans vos yeux ça brille hein, il y a une telle luminosité que ça vous
éclaire ce tableau, ça vous illumine.
Mr A : Je ne sais pas pourquoi je pense au zénith.
M.V : Zénith ?
Mr A : Une fois quon ..
M.V : Bien oui vous avez vu les saints, ils ont toujours tout un halo de lumière.
Mr A : Oui.
M.V : Cest comme ça que vous voyez le tableau ?
Mr A : Moi quand jai fait ma communion, je ne sais plus comment ça sappelle
M.V : Oui.
Mr A : Oui il y avait une tête avec
M.V : Avec votre nom, le jour de votre communion (faisant le geste de montrer une image
religieuse)
20
Mr A : mmm
M.V : Ah oui.
Mr A : mmm
M.V : Vous étiez là, vous aviez donné le jour où vous avez reçu votre communion, vous avez
été illuminé, la grâce.
Mr A : non, non.
M.V : Non ? Vous ne croyez pas ?
Mr A : Non plus maintenant, plus maintenant, non, non ! (comme sil chassait un souvenir
teinté de désillusion).
M.V : Mais
Mr A : Non bon.
M.V : Remarquez
Mr A : Je ne crois en rien.
M.V : Ce tableau là, cest vrai que quand on regarde ce tableau là, cest vrai quon se sent
touché.
Mr A : Cest le corps qui reçoit quelque chose cest tout.
M.V : Cest la grâce.
Mr A : Non.
M.V : Ça vous touche à lintérieur hein.
Mr A : mmm
M.V : Moi parfois ça méclaire, ça méclaire des choses, je ne saurais pas le dire, je sors dun
vrai bouillard quoi !
Mr A : Oui, ça fait plaisir de voir ça.
M.V : Hein, non, non cest plus que du plaisir ; non, non, moi, non, non, moi, ça me change,
je ne suis plus la même.
Mr A : Oui mais après ça disparaît, ça retombe.
M.V : Ah non, non, non, non, moi ça tient, vous ça tombe tout de suite ?
Mr A : Cest pas comme ce qui se maintient pendant très longtemps.
M.V : Ça dure, parce quaprès je pense, je me souviens ! Vous non ça tombe tout de suite ?
Vous ne vous rappelez pas après non ?
Mr A : Hein (G. tousse) oui, oui je oui, oui.
M.V : Non vous nêtes pas très convaincu, hein ?
Mr A : Ben (silence), non, mais ça ressemble comme le jour où jai vu la Sainte Vierge.
M.V : Ah bon vous avez vu la Sainte Vierge ! Là
Mr A : Non cest vraiment.
M.V : Ah bon ! Comment cétait ça ? Cétait à la communion non !
Mr A : Non.
M.V : Non ? Comment vous lavez vue ?
Mr A : Ils attendaient de passer un film, « Bernadette Soubirous »
M.V : Oui et alors ?
Mr A : Ben je lai vue dans le trou du toit (il rit).
M.V : Et alors elle vous a (bras tendu vers lavant, dans un geste dappel et de réception),
elle vous a
Mr A : Comme le film, tout le monde attendait, on commençait à simpatienter (mouvements
de bras plus nombreux).
M.V : Et il y avait de la lumière ? (Les échanges deviennent rapides, accompagnés de gestes
de mains vifs, le ton est vivant avec beaucoup dintonations)
Mr A : Ah oui ! oui, oui !...Quand javais dit ça au curé, mais il y a pas longtemps que je le lui
ai dit donc quand je suis allé en Sardaigne, parce quil y a quelquun dans la famille de Marie
(sa copine actuelle) qui est curé, alors il ma demandé : « Mais elle ne ta rien dit ? ».
21
M.V : Oui et alors, quest-ce quelle vous a dit ?
Mr A : Ben pas grand-chose.
M.V : Quest-ce quelle vous a dit de, quand même vous lavez vue.
Mr A : (silence)
M.V : Elle ne vous a rien dit ?
Mr A : Non, non.
M.V : Et pourquoi, ça vous a fait peur non ?
Mr A : Ah non ! non non ! Javais pas peur, non, non, ah non elle na rien dit.
M.V : Alors là, je savais pas que ça pouvait arriver comme ça ! Vous êtes, bien, vous avez de
la chance dêtre illuminé comme ça, parce que moi ça nest que dans les musées que je vois
de la lumière comme ça, parfois je me sens saisie que jai
Mr A : (coupant la parole et parlant nettement plus fort). Non, moi, ben oui mais quest-ce
que je vois moi dans les tableaux ?
M.V : Oui cest comme la Sainte Vierge.
Mr A : Je vois autre chose si ça se trouve.
M.V : Oui quest-ce que vous voyez ?
Mr A : Ben je nen sais rien, ça me permet de voir autre chose (G. se râcle beaucoup la
gorge)
M.V : Là regardez là ce tableau, celui-là tout juste en face. (cf. figure 1)
Mr A : mm
M.V : Vous quest-ce que vous voyez ? Quest-ce que cest çà, vous voyez ?
Mr A : Le bleu là ? ! (très vivement)
M.V : Oui ? Ça vous permet de voir quelque chose à vous ?
Mr A : Moi ce que je vois là, heu, ça cest le vagin.
M.V : Ah ! remarquez, vous avez tout à fait raison cest un vagin énorme en plus (G. tousse)
mais
Mr A : Ben cest toujours énorme.
M.V : Non mais attendez le vagin quest-ce quil y a, il y a quelque chose à lintérieur même.
Mr A : Ben oui, je sais pas comme ça sappelle moi.
M.V : Bien quest-ce que cest ? Parce que ce vagin il y a quelque chose au milieu là ? Cest
quoi ? Quest-ce que vous voyez là ?
Mr A : Là cest
M.V : Ah bien attendez, il nest pas vide ce vagin.
Mr A : mm
M.V : Cest quelque chose qui est en train de rentrer, quelque chose qui est en train de sortir,
je vois pas très bien.
(silence)
Mr A : Ça (dubitatif) ?
M.V : Vous quest-ce que vous voyez ?
Mr A : Ben oui oui oui, je vois un phallus.
M.V : Ça rentre, remarquez vous me dites énorme, moi jaurais peut-être aussi vu un bébé qui
sort, cest pas par là que ça sort ?
Mr A : Oui, ah on ny voit rien.
M.V : Ah bon.
Mr A : Quand on sort.
M.V : Cest laveuglement total.
Mr A : Ah je nen sais rien.
M.V : Remarquez jimagine quon voit la lumière, une lumière blanche.
Mr A : Hors du trou, on est heu ébloui.
M.V : On est ébloui hein !
22
A.G : Bien
A.G et Mr A. sassoient.
Mr A : Ben là je pense à la naissance.
A.G : Peut-on naître sans être ébloui ? Aveuglé ?
Mr A : Mm, alors moi jétais aveuglé, heu bon, par la haine envers mon père alors !
A.G : Mais en même temps, il est question, non seulement de haine mais damour, vous êtes
capable de vous représenter, ce qui sest passé autrefois, où vous étiez complètement aveuglé
y compris dans le délire, et de comprendre quelque chose à votre histoire. Lindividu dans
lhistoire, cest dans lhistoire avec un grand H, (Monsieur A. avait commencé la séance en
parlant dun livre quil venait dacheter, « Lindividu devant lhistoire ») mais en ce qui vous
concerne cest, aussi vous dans votre propre histoire (Mr A. : oui), dans lhistoire telle que
nous lavons jusquà maintenant partagée et dans laquelle vous avez cheminé. Je crois que
cest très important, cette façon dêtre beaucoup moins aveuglé que dans le passé (Mr A. :
oui), ce qui permet dêtre en relation sans penser quil y a meurtre et de se séparer sans penser
que cest le vide total. Vous voyez, vous avez vécu là quelque chose dune expérience
profondément affective qui est celle de tous les êtres humains. Aujourdhui je crois que grâce
au travail que nous faisons ensemble vous pouvez mettre des mots et comprendre votre
histoire, et du coup mieux pouvoir imaginer la vie.
La séance sachève sur lévocation de ses difficultés amoureuses qui sinscrivent dorénavant
dans le contexte dune angoisse de castration et dune inhibition que lon pourrait qualifier de
névrotique. Cette dernière séance témoigne des capacités délaboration de Monsieur A. et de
sa confiance transférentielle, qui lui a permis de parler pour la première fois de ses
hallucinations.
On peut se demander si lévocation de sa vision hallucinatoire de la Vierge dans une
identification à Bernadette Soubirous, la jeune fille de Lourdes, ne le renvoie pas à son
expérience psychotique primaire, dans un mouvement que Freud a décrit à propos de la
projection paranoïaque chez Schreber. Sans la possibilité de constituer une rupture dans le
complexe hallucination/perception correspondant à un processus dhallucination négative, la
projection ne peut que seffectuer sur la réalité extérieure, dans une confusion entre le dedans
et le dehors correspondant à lhallucination positive pathologique.
Monsieur A. trouve les expressions justes pour décrire lenjeu de la vision : « Cest le corps
qui reçoit quelque chose ». « Je vois autre chose si ça se trouve ». Effectivement, quand il
regarde le paysage du tableau dans la salle de psychodrame, il voit dabord un vagin ; la
pensée par images reste sexualisée dans un fonctionnement en équation symbolique. Mais il
évoque aussi la naissance et léblouissement devant le trop de présence de lobjet qui renvoie
tout aussi bien à un trop dabsence. Image du tunnel au bout duquel une lumière blanche
23
éblouit, comme lont suggéré aussi les expériences décrites par les patients au sortir dun
coma profond dans un entre-deux entre la vie et la mort.
Paul-Claude Racamier (1987) décrivait cette catastrophe psychotique dans les mêmes termes
que notre patient et il y voyait la conséquence dun fantasme dauto-engendrement marqué
davantage par la sensation que par une représentation : « Ce qui me paraît évident et
dimportance majeure, cest que lactivation de ce « fantasme » (dauto-engendrement) va
apporter une modification tout à fait rare dans la vie psychique du sujet. Elle constitue ce que
jappellerai un événement psychique blanc (je dis bien : psychique). Blanc : illuminant comme
un éclair, qui crée une déflagration à son entour, et qui aveugle. Autant le préciser tout de
suite : cet événement psychique est exactement ce qui correspond à la catastrophe originaire.
Voilà donc dans lhistoire du délire un processus autre et plus précis que le simple
désinvestissement. Bien sûr, cela nécessite un déni formidable. Mais il ny a pas que le déni :
il y a la constitution et lactivation de ce fantasme extraordinairement séduisant. Et cela, je le
dis dautant que lauto-engendrement sinscrit dans le droit-fil de la séduction narcissique.
Quiconque atteint ce registre se trouve exposé à cet événement blanc à la fois fascinant et
terrible, qui va faire le vide dans la vie psychique et ne pourra être surmonté quà laide de la
constitution dun délire ».(p.38)
De son côté, Piera Aulagnier (1985) comparait cette expérience hallucinatoire à la sensation
dune main agrippée à un rocher et qui glisse sans fin dans le vide, comme happée par un
tourbillon vertigineux. La seule solution est de produire des images délirantes, en particulier
de persécuteurs qui vous poursuivent, pour ne pas sombrer dans cette chute sans
représentation.
Monsieur A. comprend que cette crise psychotique est liée à la haine et il peut le dire car il a
pu retrouver des capacités damour dans linvestissement dun psychodrame dont on mesure
lintensité par linvestissement créateur quil suscite chez lui et chez tous les membres de
léquipe. Le travail de symbolisation est tout aussi bien un travail de co-création entre le
patient et lanalyste dans une « aire intermédiaire dexpérience » (Winnicott, 1951) que la
scène du psychodrame matérialise. Monsieur A. na pas encore repris la peinture mais il se
donne actuellement les moyens de comprendre profondément les raisons de ses inhibitions
dans son activité picturale, tout autant que dans ses relations amoureuses.
24
5.2.3.5. Symbolisation et synergie des sensations
Grâce au travail psychodramatique, Monsieur A. avait pu ainsi élaborer son
« conflit esthétique », que Meltzer (1988) a décrit comme lexpérience de présence
envahissante par lobjet, la beauté de la mère, qui ne peut être assimilée par lenfant si lécart
est trop grand entre « lextérieur de la mère belle, accessible aux organes des sens », et « son
intérieur énigmatique, qui doit être interprété et élaboré par limagination créative » (p. 43).
Comme le dit très justement Meltzer, lenfant « arrive, après tout, dans un pays inconnu dont
il ne connaît ni la langue, ni les signaux habituels de la communication non-verbale. Sa mère
est énigmatique pour lui ; la plupart du temps, elle arbore le sourire de la Joconde, et la
musique de sa voix ne cesse de passer des tons majeurs aux tons mineurs » (Ibid).
Peinture et musique se correspondent ici encore pour rendre compte de
lexpérience de Monsieur A. qui navait pas pu élaborer les « messages ambigus » de sa mère,
ce qui lavait condamné à la confusion psychotique et à limpossibilité dintégrer sa créativité
intellectuelle, affective et artistique. Il sagit ici, dans la perspective de Bion, de transformer
les éléments bêta correspondant à des sensations intrusives et inélaborables en éléments alpha
propices à la pensée, aux rêves et aux fantasmes. Cest ce que Laplanche (1987) a également
décrit en évoquant dans sa théorie de la séduction généralisée la nécessité pour lenfant
délaborer les messages énigmatiques de la mère.
Le souvenir de lenfant en détresse, incapable dintégrer les messages auditifs des
parents, avait conduit Monsieur A. à surinvestir les sensations visuelles jusquà
lhallucination. Mais quen était-il des autres sens ? Dans une séance récente, Monsieur A. a
introduit une réflexion sur les raisons pour lesquelles il était envahi par le mot «rance ». Ce
fut loccasion pour lui de prendre conscience de son rejet de toute sensorialité, car le mot
« rance » renvoyait à « lerrance » et de là au « lait rance » dont il navait jamais pu supporter
lodeur, le goût et la couleur. Ayant choisi de jouer le mot « rance », il est amené à passer du
mot à la chose et à figurer, également pour la première fois, les relations primitives à sa mère
à partir des odeurs et du toucher. Après avoir dit « Ma mère sentait mauvais », Monsieur A.
associe avec insight sur son mouvement pulsionnel :
--- « Moi, à un moment donné, je sentais le rance »
25
puis : « Jabîme tout »
et : « Dès que j touche à quelque chose pfffuit ! »
Lenfant au sein avait ainsi rejeté la mère à partir des sensations tactiles, olfactives et
gustatives vécues comme mauvaises et destructrices.
Au cours de cette scène, le patient reparle des mauvaises odeurs de son père qui
« pétait », ce qui autrefois avait été compris comme une marque de virilité, mais destructrice
car les gaz corporels renvoyaient aux chambres à gaz des camps de concentration nazis. Le
père et le grand-père paternel avaient été des collaborateurs pendant la deuxième guerre
mondiale, ce qui avait conduit Monsieur A. à se couper de toute identification masculine, si ce
nest sur le mode sadique. Par cette mise en scène des mauvaise odeurs des deux parents, il se
donnait ainsi les moyens de comprendre de façon plus émotionnelle que la scène primitive
avait eu pour lui une signification destructrice, car sadique-anale.
Après cette séquence sur la polysémie du mot « rance », dans léchange avec le
meneur de jeu, Monsieur prend conscience du rejet de son corps et de ses sensations, tout
aussi bien que des objets parentaux, qui lont laissé totalement démuni pour sentir, penser et
découvrir le monde :
G : Heu (silence) je sais pas (silence) ben oui moi je sais pas pourquoi. Mais là si je pense à la
façon de péter de mon père ça me fait penser à la façon dont vous disiez le gaz, pfrrff (avec le
mimique) bon alors après cest encore le massacre mais en fait jsuis toujours ldedans.
A.G : Moi je pense que ce que vous évoquez cest que nous avons tous un corps (G. oui) et
que les sensations et les odeurs en font partie.
G : oui, oui, oui.
A.G : Et il y a une part de vous-même qui a voulu les rejeter, ces sensations, ces odeurs.
G : Ah ben oui, ben oui, sans odeur, ça veut dire quoi ? Cest rien.
A.G : Cest rien.
G : Labsence de corps.
A.G : De corps exactement.
G : Quelquun qui est sans odeur (silence)
A.G : Il y a une expression : inodore incolore et sans saveur.
26
G : Voilà, ouais cest ça ; donc on le voit pas.
A.G : On le voit pas.
G : On le sent pas.
A.G : On est sans corps.
G : On le goutpas.
A.G : Je pense quen même temps
G : (Coupant la parole à A.G) Ah oui ça ça fait suite au sacrifice alors
A.G : Eh oui !
G : La semaine dernière,
A.G : Exactement, il fallait sacrifier le corps. Alors que le corps en même temps, vous le dites
très très bien cest le corps qui vous permet de vivre, dexister (G. oui) de ressentir (G.oui) et
de partager aussi, et en particulier dans les relations amoureuses (G. mm), puisque vous me
posiez la question des relations amoureuses.
Monsieur A. associe ensuite sur le parfum des fleurs et propose de jouer une scène sur les
« bonnes odeurs ». Le thème des fleurs avait déjà fait lobjet de séances quelques années
auparavant, en particulier à la suite du premier rêve transférentiel où je disparaissais sous un
énorme bouquet de fleurs odorantes et colorées quil mavait apporté. Or, dans cette séance
récente, Monsieur A. a pu comprendre davantage lorigine de son rejet du corps féminin par
le souvenir négatif de lallaitement -- « Le lait ma rendu malade » --, et être de ce fait plus
accessible à un lien à lobjet qui ne soit plus immédiatement disrupteur du narcissisme. Le
parfum des fleurs, leur « fragrance », peut, selon lexpression du patient, enivrer et
« déboussoler » ; mais il lui est possible dévoquer cette fois « lodeur du musc » et des
« sécrétions vaginales » sans être dégoûté. Les fleurs peuvent maintenant suggérer limage de
la femme qui nest pas immédiatement source dangoisse et de destructivité. Monsieur A.
conclue cette séance en disant aux trois collègues femmes qui jouent le rôle des fleurs : « On
les sent, on regarde on peut toucher aussi », ce qui témoigne dun changement important
dans son économie psychique. Il peut toucher sans tout « abîmer », comme il a pu être
« touché » par lexpérience transférentielle du psychodrame sans être « débordé »par la
présence dun objet menaçant et intrusif.
27
Conclusion
On peut imaginer que la réappropriation subjective de son corps et de ses sensations
lui permettra de faire place à son désir de peindre comme à celui daimer une femme sans être
envahi dune angoisse indicible. Loeil du peintre est celui qui peut aller au-delà de
lopposition entre léblouissement et le noir, dans la mesure où la vision des couleurs entraîne
une correspondance avec toute la palette des sensations, quelles soient olfactives, gustatives,
tactiles, auditives et visuelles dans une synergie de ce que Bion (1962) appelait la
«consensualité du sein ». Lintégration du soi sensoriel peut ainsi permettre de donner au
travail de vision richesse et profondeur et favoriser ainsi lélaboration des angoisses
primitives non-verbales et leur ancrage dans langoisse de castration.
La créativité psychique de Monsieur A. est tout aussi bien léquivalent dune
naissance psychique où le visuel cesse dêtre angoissant à condition quil y ait un
rassemblement des sensations entre elles et lémergence dun auto-érotisme inclusif de lobjet
et de ses représentations. Dans sa réflexion sur Colette, Julia Kristeva (2002) a souligné avec
une grande justesse lenjeu de cet « étayage des sens » dans la perception du monde :
« Chaque fleur est un bouquet de coenesthésies : vue, entendue, humée, mangée, caressée, elle
convie tous les sens à communiquer et à se contaminer à son approche : « Je fais mieux que
de voir la tulipe reprendre ses sens : jentends liris éclore. »(Colette, 1924, p.95). Et toutes
les sensations de sétayer pour aiguiser le regard sur le secret du rythme floral. » (p. 282).
Dans son célèbre poème du même titre, Baudelaire avait aussi insisté sur limportance, pour la
symbolisation, de ces « correspondances » entre les sensations, de ces « forêts de symboles »
où « les parfums, les couleurs et les sons se répondent ».
Stratégie thérapeutique et tactique interprétative dans labord des patients
psychotiques ont ainsi pour objectif de favoriser les fonctions de symbolisation chez des
patients qui ont souvent perdu la possibilité de différencier entre le symbole et lobjet
symbolisé, entre le présent et le passé, entre les imagos paternelles et maternelles. Langoisse
psychotique renvoyant le sujet à ce conflit irreprésentable dêtre, à la fois, sujet dévorant et
objet dévoré, il sagit de proposer un cadre externe et interne qui puisse favoriser
lintrojection de linterprétation. Dans le psychodrame, le rôle du meneur de jeu, dans sa
fonction médiatrice de tiers, permet justement de sortir de ces angoisses dindifférenciation et
dacquérir cette capacité de jouer avec des représentations, des images et des mots, ce qui,
selon la suggestion de Winnicott, est au fondement des processus de symbolisation
28
REFERE(CES
AULAGNIER P. (1985), Le retrait dans lhallucination : un équivalent du retrait autistique ?
in Lieux de lenfance, n°3, 149-164.
BION W.R. (1962), Aux sources de lexpérience. Paris, P.U.F. 137p.
BOTELLA C. et S. (2001), La figurabilité psychique. Lausanne, Delachaux et Niestlé, 261p.
COLETTE (1924), Fleurs. Aventures quotidiennes, in OEuvres. Tome III, coll. « Bibliothèque
de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1991.
DERRIDA V. (1967), Freud et la scène de lécriture, in Lécriture et la différence, Paris,
Seuil, 293-340.
DUPARC F. (2005) De limage à lidéologie (inédit), Communication au Colloque « Image,
psychanalyse, société », Albi, 11 juin.
FREUD S. (1893) en coll. avec BREUER J. Les mécanismes psychiques des phénomènes
hystériques : Communication préliminaire, in Etudes sur lhystérie. Paris, P.U.F. 1956, pp.5-6.
FREUD S. (1895), Esquise dune psychologie scientifique, in La naissance de la psychanalyse.
Paris, P.U.F. 1956, pp.307-396.
FREUD S. (1915), Linconscient, in Métapsychologie. Paris, Gallimard, 1968, 65-123.
FREUD S. (1923), Le moi et le ça. In, Essai de psychanalyse, Paris, Payot, 1981, 219-274.
FREUD S. (1924), Le Problème économique du masochisme, in <évrose, psychose et
perversion. Paris, P.U.F., 1973, 287-297.
FREUD S. (1925), Note sur le « Bloc-notes magique », in Résultats, idées, problèmes, (II,
1921-1938), Paris, P.U.F. 1985, 119-124.
29
FREUD S. (1926), Inhibition, symptôme et angoisse. Paris, 1968, 103p.
FREUD S. (1937), Constructions dans lanalyse, in Résultats, idées, problèmes (II, 1921-
1938), Paris, P.U.F. 1985, 269-282.
FREUD S. (1938), Abrégé de psychanalyse. Paris, P.U.F. 1967, 87p.
GAGNEBIN M. (2002), Limage et ses ombres : polysémie et polyvalence, in (sous la
direction de Gagnebin M.). Lombre de limage. De la falsification à linfigurable. Paris,
Champ-Vallon, 7-16
GAGNEBIN De MUZAN (2003). Pouvoirs du psychodrame sur la mutation des puissances
tutélaires. In Psychanalyse et Psychose, n°3, 61-70.
GIBEAULT A. (2002), De lauto-engendrement à la scène primitive. De lélaboration de la
psychose par le psychodrame, in Psychanalyse et psychose, n°3, 129-143
GIBEAULT A. (2004), Omnipotence et finitude : le sexuel et la création chez Monsieur A. In
Psychanalyse et Psychose, n°4, 135-150.
GILLIBERT J. (1977), De lauto-érotisme, in Revue Française de Psychanalyse, T.41, 5-6,
774-949.
GILLIBERT J., (1985). Le Psychodrame de la psychanalyse. Paris: Champ Vallon
JEAMMET, P., & KESTEMBERG, E. (1981). Le Psychodrame psychanalytique.
Technique, spécificité, indications. Psychothérapies, 2: 85-92.
KESTEMBERG E. & JEAMMET, P. (1987). Le Psychodrame psychanalytique. Paris:
Presses Universitaires de France.
KRISTEVA J. (2002), Le génie féminin , Tome III : Colette. Paris, Fayard, 621p.
LAPLANCHE J. (1987), <ouveaux fondements pour la psychanalyse. Paris, PUF, 163 p
30
LAUFER L. (2005), De lirreprésentable à lhallucinatoire (inédit). Communication au
colloque « Image, psychanalyse, société ». Albi, 11 juin.
LEBOVICI, S., DIATKINE, R., & KESTEMBERG, E. (1969-70). Bilan de dix ans de
pratique psychodramatique chez lenfant et ladolescent. Bulletin de psychologie, 285,
XXIII, 13-16: 839-888.
MELTZER D., (1988), « Le conflit esthétique. Son rôle dans le processus de développement »,
in Meltzer D. et Harris Williams M., Lappréhension de la beauté. Le rôle du conflit esthétique
dans le développement psychique, la violence, lart. Larmor-Plage, Editions du Hublot, 28-53.
MONDZAIN M.J., Le commerce des regards. Paris, Seuil, 266p.
RACAMIER P.C. (1987), De la dépossession du moi à la possession délirante ou : A la
recherche du nouveau monde, in Les Cahiers du Centre de psychanalyse et de psychothérapie,
(Association de Santé Mentale de Paris 13ème), n°14 (La solution délirante I), 29-50.
TISSERON S. (1989), Des mots et des images : le rôle des images dans la cure, in Revue
Française de Psychanalyse. T.53, n°6, 1993 1997.
WINNICOTT D.W. (1951), Objets transitionnels et phénomènes transitionnels, in De la
pédiatrie à la psychanalyse. Paris, Payot, 1969, 109-125
WINNICOTT D.W. (1971), Jeu et réalité. Lespace potentiel, Paris, Gallimard, 1975, 213p
31